- Throne Fest
- Kubox, Kuurne, Belgique
- 29 mai 2022
Après deux premières journées de très bon aloi – personne n’en doutait –, il est déjà temps de se rendre pour la dernière fois à Kuurne pour vivre l’émotion des dernières prestations de cette édition 2022. Alors que la fatigue de la veille, principalement causée par le concert dévastateur d’Urgehal, est bien présente, il s’agit tout de même de prendre son courage à deux mains et d’aller en direction du Kubox. En ce qui me concerne, la journée sera infiniment plus courte que les deux précédentes dans la mesure où je fais le choix difficile mais nécessaire de faire une croix sur Venom et Sodom. On n’a plus vingt ans.
Toujours sous le soleil, cette fois-ci plutôt frais, j’arrive sur les lieux en milieu d’après-midi avec la ferme intention d’avoir une place de choix pour Havukruunu, que j’attends particulièrement, et pour Cult of Fire, dont j’attends davantage le spectacle visuel que la performance musicale. Mon entrée dans le Kubox coïncide cette fois avec le début de la prestation de Sauron, groupe néerlandais dont la présence sur l’affiche faisait office de (bonne) surprise. En effet, son dernier album, The Channeling Void, a fêté ses quinze ans au mois de février.
La relative exclusivité du set n’a cependant pas l’air d’attirer les foules. Positionné au fond de la salle, à moitié par désintérêt ou méconnaissance de la musique des Néerlandais, je constate que seul le premier tiers de la surface consacrée au public est garnie, et encore. Milieu de l’après-midi, certes, troisième jour de festival, certes, toujours est-il que cette année le Throne Fest n’a pas fait le plein et que ça se voit. Sans doute faut-il que la vie culturelle reprenne son cours normal après de si longs mois de perturbations. Quant à la prestation de Sauron, elle est très réussie et bénéficie d’un son très bon, alimentant la pseudo-théorie selon laquelle le son est infiniment meilleur sur la scène du Kubox lorsqu’une seule guitare s’y trouve. En pareille situation, on s’accroche à tout et n’importe quoi.
Rapide et agressive, la musique de Sauron contamine sans mal les quelques dizaines de spectateurs présents autour de la scène. Assez peu de mouvement, mais une attention intacte. Malgré le nombre restreint de spectateurs ayant assisté à leurs méfaits, les membres de Sauron ont fait preuve de beaucoup de sérieux sur scène. Alors que l’après-midi touche à son terme, c’est au tour d’Havukruunu de faire rugir son black metal, cette fois-ci dans un registre plus accrocheur et fédérateur que dans le cas des Néerlandais. Les abords de la scène se remplissent bien vite, mais difficile de déterminer si chacun se presse pour voir les Finlandais de près, ou pour, déjà, anticiper le show de Cult of Fire. Les festivals nécessitent toujours de savants calculs. Les fiers représentants du pays aux mille lacs arrivent sur scène en tenue tout à fait sobre, mais nul besoin d’artifice lorsque la musique à elle seule permet de se mettre le public dans la poche.
Première satisfaction en ce qui me concerne, les chœurs introductifs de « Uinuos Syömein Sota » sont diffusés en arrière-plan, et non chantés par les membres du groupe, comme cela a pu être fait par le passé. Le résultat n’était pas toujours à la hauteur des attentes. L’un des titres les plus réussis de la discographie du groupe finlandais résonne donc dans le Kubox et l’instant revêt de suite une importance particulière pour l’amoureux d’Havukruunu que je suis. Cependant, la joie est de courte durée. Encore une fois, peut-être que ma position face à la scène n’aide pas, mais de nouveau, le son laisse cruellement à désirer. Cette fois, ce sont les chants que l’on n’entend pas. On ne les entend pas mal, on ne les entend pas du tout. Rappelons qu’une bonne partie de la beauté de la musique d’Havukruunu repose sur ses chœurs, généralement entonnés par les trois membres du groupe. Sans chœurs, difficile d’être porté par les meilleurs titres comme si de rien n’était.
Allez, ce n’est pas si grave. Après tout, les guitares sont parfaitement audibles – surtout la guitare lead à vrai-dire. Il est malheureux d’avoir à choisir entre chants et riffs, mais au moins pouvons-nous nous réjouir d’avoir les seconds nommés. Pour un groupe tel que celui-là, c’eût été fâcheux. Au micro, Stefan communique beaucoup avec son public entre chaque titre, annonçant systématiquement celui qui va suivre. Malgré les problèmes de son, la prestation des Finlandais est une belle réussite par l’énergie qu’elle dégage depuis la scène, qui ne tarde d’ailleurs pas à se répandre à l’intérieur du Kubox. Dans un registre peut-être moins sombre à l’échelle du Throne Fest, Havukruunu a su séduire son monde à grands renforts de riffs entraînants et de jeu de scène expressif. Une belle bouffée d’oxygène avant un show qui risque, quant à lui, de nous en faire manquer.
Vous l’aurez compris, c’est l’heure de Cult of Fire. Comme je l’écrivais, je n’ai jamais particulièrement été attiré par la musique des Tchèques sur album. Ceci étant, je ne suis pas fou pour autant. L’amoureux des mises en scène travaillées que je suis ne raterait pour rien au monde la prestation d’un groupe aussi jusqu’au-boutiste dans ce domaine. Tout ceci, bien entendu, au mépris de ma méconnaissance de la spiritualité hindoue. C’est peu de dire que l’ambiance change. Deux immenses cobras font leur apparition sur scène, en dessous desquels les deux guitaristes seront lovés pour jouer dans une position qui me semble très inconfortable. Je ne parlerai pas des multiples icônes de divinités installées partout sur scène, y compris sur l’espèce de petit autel garni d’idoles, de bougies et d’encens, derrière lequel prendra place Vojtěch Holub.
Comme attendu, la cérémonie est captivante. Imperturbable au centre de la scène, Vojtěch Holub multiplie les gestes évasifs et prend la pose pour les photographes. Affublé de son imposante capuche à cornes bovines – du moins me semble-t-il ; je serais fâché de blasphémer –, il dégage évidemment quelque chose de grandiose. De part et d’autre se trouvent les deux guitaristes, assis en tailleur sous la protection des cobras dont je faisais mention. Quant à Tomáš Corn, il assène les coups, comme à son habitude, derrière sa batterie. On en prend évidemment plein les yeux. Le climat n’a aucun mal à s’installer, bien aidé par les costumes fastueux que portent les musiciens et par les volutes d’encens qui se répandent dans la salle. Le son est cette fois-ci quasiment parfait, comme si rien ne pouvait entraver le sombre rituel des Tchèques. Cult of Fire, c’est toujours une expérience.
Ayant décidé que ma place n’était pas devant les illustres groupes qui allaient avoir l’honneur de clôturer cette édition 2022, c’est ici que s’achève mon week-end black metal en terre flamande. Si elle n’est pas parvenue à égaler l’émotion ressentie face au duo Taake–Satyricon en 2019, l’édition de cette année était assurément de grande qualité, et ce malgré les quelques soucis de son, pourtant inhabituels au Throne Fest. C’est toujours un bonheur immense de retrouver le Kubox et le Throne Fest, aux affiches immenses et à l’organisation toujours impeccable. Le festival est une réelle institution et il fut presque touchant de le retrouver après une absence aussi longue. On ne peut que souhaiter qu’il ne nous quitte plus jamais.