- Article initialement publié sur Heiðnir Webzine
- France
- Industrial Ambient / Dungeon Synth
- Grande Rousse Disques
- 16 mai 2018
Au cours du mois de mai, au cours de ma quête quotidienne de nouvelles perles de dungeon synth, j’ai vécu une rencontre fort intrigante avec Rivière de Corps, projet vraisemblablement troyen officiant dans une espèce de registre hybride bien particulier. Mêlant de nombreux genres musicaux de nature électronique, Rivière de Corps a mis au monde un album très énigmatique avec Sang et Corne, le genre d’albums qu’il faut écouter un bon paquet de fois avant de prétendre en avoir exploré les moindres recoins… Sorti au format cassette chez Grande Rousse Disques, l’album n’a pas fini de vous faire voyager.
Comme beaucoup de monde je pense, j’ai été un peu abusé par la pochette très réussie de Sang et Corne, dont l’artwork tiré de Donjons et Dragons annonçait un penchant dungeon synth plutôt significatif. Effectivement, en creusant un peu, on trouve quelques touches et influences dungeon synth, mais le genre n’est pas celui qui est le plus présent dans cet album. Avant d’être dungeon synth, Sang et Corne se montre riche de dimensions industrial ambient, noise et même darkwave bien plus tenaces et présentes. Inutile de vous signifier que le résultat est des plus réussis, mais aussi des plus hermétiques…
Car si l’album pique la curiosité assez facilement, il n’est pas particulièrement accessible à n’importe qui pour autant. La production générale est volontairement rendue assez sale pour appuyer une espèce de rendu poisseux, labyrinthique. Sang et Corne est une espèce de dédale très sombre et très poussiéreux. Nul ne sait réellement depuis quand il n’a pas été foulé, tout comme il est difficile de savoir ce qu’il renferme réellement. Rivière de Corps, à peu de choses près, c’est ça, l’inconnu, le frisson de l’aventure. On ne sait pas ce qui cache derrière chaque titre, et pourtant, il est impossible de s’en détacher, impossible de terminer l’aventure sans en avoir découvert tous les secrets.
Pour la petite histoire qui se cache derrière Rivière de Corps, il s’agirait de la commune (car La Rivière-de-Corps est une commune située dans l’Aube) dont l’emplacement aurait servi de champ de bataille pour la bataille des champs Catalauniques, en 451, ayant opposé (entre autres) les romains et gallo-romains aux forces d’Attila le Hun. Cet événement historique a notamment stoppé l’avancée occidentale de l’Empire hunnique, et il aurait même donné son funeste nom à la commune concerné. Rien de réellement vérifiable là-dessous, en tout cas pour le nom, mais il est toujours sympathique de relier la musique à sa genèse.
Conformément à une approche uniquement technique, Sang et Corne est une espèce de longue plage atmosphérique remplie de distorsions et de fioritures en tout genre. On a d’ailleurs un certain plaisir à retrouver quelques chants, noyés dans la masse mais qui apportent un réel plus à l’ensemble. Le voyage, si noir et insondable soit-il, est de mise avec l’album dans son entièreté. Mais le vrai plus de Sang et Corne, c’est sa rythmique. Toujours simple mais toujours juste, elle confère à la musique de Rivière de Corps une espèce de force dominatrice toute particulière, comme pour rendre l’oeuvre presque monolithique…
C’est un album extatique et très intéressant qui a été composé par l’artiste troyen. Rivière de Corps est un savant mélange de ce que la musique électronique sait nous offrir de plus impénétrable, et si l’ensemble est effectivement très opaque, on éprouve un plaisir immense à parcourir les titres comme s’ils étaient les obscures salles d’un donjon reculé. Si suite il y a, on a hâte de voir ça.