- France
- Black Metal
- Solar Asceticists Productions
- 11 avril 2024
Étroitement liée au label qui l’a promue par le passé, l’histoire de K.L.L.K propose en ce mois d’avril un nouveau chapitre chargé d’émotion. Ledit label, l’estimable Solar Asceticists Productions, se retire de la course après avoir abreuvé son monde de sorties audacieuses et d’une identité graphique toujours captivante. Les sorties s’étant raréfiées depuis la pandémie, l’annonce n’a pas surpris grand monde, mais elle attriste quand même. Il revient désormais à K.L.L.K, dont l’album La Voie : Atlantis Nostrum est la dernière du label, de faire honneur à cette entité hors du commun. Et les ingrédients utilisés font mouche.
Muette depuis quatre ans, la formation occitane signe un retour remarqué avec cette nouvelle sortie pour le moins énigmatique — comme à l’accoutumée me direz-vous. On ne sait jamais vraiment où l’on met les pieds avec K.L.L.K, mais le voyage vaut systématiquement le détour. Le quatuor accueille son auditoire avec un titre introductif à rallonge qui a le mérite de poser un décor déchirant sur le contenu qui lui fera suite. On y évoque la Méditerranée et son statut de témoin immuable du passage du temps, le tout sur fond de nappes de guitares répétitives et entêtantes à souhait. Non, K.L.L.K n’a rien perdu de son affectation pour la symbolique antique et les cultures anciennes.
Beaucoup d’émotion est palpable, et celle-ci atteindra (déjà) son apogée sur le titre suivant, le saisissant « Voie I : Exhumation ». Fondant sur sa proie avec une aisance parfaitement dangereuse, ce deuxième titre ne se contente pas de proposer un black metal cru et poignant pour la première fois sur La Voie : Atlantis Nostrum, il enserre, enveloppe et captive comme rarement. Est-ce dû à ses riffs obsédants et lancinants ? À sa rythmique étonnamment accrocheuse ? Aux chants absolument torturés que l’on entend en arrière-plan ? Probablement un peu tout ça à la fois. Une chose est sûre, « Voie I : Exhumation » est un titre auquel il est risqué d’accorder trop de temps de parole. On l’aime autant qu’on le craint. Sublime.
Ce registre tragique — que l’on retrouve d’ailleurs autant dans la musique que dans le ton donné aux textes — est véritablement ce qui donne corps à la puissance de La Voie : Atlantis Nostrum. Si les autres titres se montrent moins épileptiques, on retrouve toujours cette espèce d’acceptation d’un sort effroyable, comme en témoigne la résignation qui émane de « Voie II : Incarnation », qui évoque un certain fatalisme, là où son prédécesseur étale une peur panique sept minutes durant. Passé l’interlude aux accents expérimentaux et quasi-cosmiques, K.L.L.K sert un dernier titre black metal à ses ouailles, principalement marqué par la présence d’un riff bien plus aérien que ceux entendus jusqu’alors. Les chants torturés sont toujours là, comme s’il fallait rappeler l’humilité de la démarche du quatuor. Aérien, mais pas trop.
D’un bout à l’autre de l’album, on persiste à tomber sur un certain goût pour le ritualiste, le symbolique, voire l’ésotérique. Les sujets y sont nobles et abstraits. On y évoque l’incarnation et l’excarnation, on y aborde l’alchimie et la philosophie, on parle d’ekpurosis, sans jamais perdre ce lien avec les anciens. Au risque de surinterpréter, il est toujours très plaisant d’avoir affaire à des artistes poussant leur démarche sur le plan thématique. On épaissit dès lors un contenu musical qui ne demande qu’à être augmenté. Et dans le cas de K.L.L.K, l’association marche du tonnerre.
Après avoir rendu l’âme sur un « Outro – Union (Par la mer) » des plus doux, La Voie : Atlantis Nostrum s’éteint, non sans avoir secoué son public. Un album fort singulier que voici, comme toujours avec l’entité française, dont les sorties sont rares mais toujours précieuses. K.L.L.K rend ainsi un hommage appuyé et digne à la bannière qui l’a suivie au combat. L’histoire de cet album est indissociable de la mort annoncée de Solar Asceticists Productions, dont l’identité et l’extravagance manqueront sans doute beaucoup à une partie de la scène.