Qu’y a-t-il de moins dungeon synth que le dungeon synth ?

by Secluded Copyist

L’idée initiale était de rédiger une chronique à propos de la dernière sortie du projet canadien DIM, l’excellent Compendium II. Néanmoins, et justement parce que cet album est excellent, il aurait été particulièrement malhonnête de ma part d’associer la chronique de cet album à un véritable coup de gueule envers la communauté dungeon synth dans son ensemble. Car c’est là le sujet principal du propos qui va suivre, la communauté dungeon synth, qui est, pour le coup, extrêmement malhonnête vis-à-vis du genre qu’elle prétend vénérer. La magie appréciée par les adeptes est toujours là, en revanche, personne ne se souvient de l’emplacement de la crypte.

Puisqu’il sert de fil rouge à cet article, commençons par évoquer l’album de DIM. Le projet canadien vient de mettre au monde Compendium II, qui se situe dans la lignée de son prédécesseur, Compendium I. Je dois néanmoins avouer que je suis particulièrement déçu par cette sortie. La musique est évidemment très belle et Josiah Wilkinson est assurément un musicien de grand talent, mais l’espèce d’infime insouciance présente sur le premier album a laissé place à une confiance affichée, qui transforme parfois souvent la musique en quelque chose de très cinématographique et infiniment loin des standards en matière de dungeon synth.

Mais comment en vouloir à l’artiste ? Ce brave et talentueux Josiah compose la musique qu’il aime, et il a finalement parfaitement raison d’ajouter l’étiquette dungeon synth à sa musique, bien qu’elle n’en porte pas les codes, au moins pour attirer un public plus large. Voilà pourquoi il était nécessaire de préciser que DIM n’était pas au coeur des débats ici, parce qu’en soi, il n’y a rien à reprocher à l’artiste qui se situe derrière. En revanche, ça n’est pas le cas d’une bonne partie de la communauté dungeon synth. Mais alors pas du tout.

Avant que des mandales se perdent, il me semble nécessaire de définir ce qu’est réellement le dungeon synth, et à ce titre, voici ce qu’en dit Andrew, fondateur du fameux blog sur le sujet : « Le dungeon synth est le son de l’ancienne crypte. Le souffle de la tombe, qui peut uniquement être correctement traduit en musique par quelque chose de primitif, de mort, de lo-fi, d’oublié, d’obscur et d’ignoré par la société. Quand on écoute du dungeon synth, on fait consciemment le choix de passer du temps dans un cimetière, à la lumière d’une bougie, le regard fixe et plongé dans un livre obscur, qui détient de subtils secrets sur les lieux que les hommes sains d’esprit évitent.« 

Désormais, la question est la suivante, les projets tels que DIM ou Fief vous semblent-ils correspondre à cette définition ? Encore une fois, et pour les sourds d’oreille, le but n’est absolument pas de jeter la pierre aux artistes, mais bien au public, aux fiers membres de la communauté dungeon synth, qui n’ont pourtant comme seules références réellement traditionnelles que les premiers albums de Mortiis. Le fait est que les projets dits folk ambient, histoire d’utiliser un raccourci terminologique risqué, sont malheureusement bien plus mis à l’honneur que les autres, pourtant bien plus traditionalistes dans leur manière de voir la musique, alors que seuls ces derniers font réellement du dungeon synth.

Tout le monde est finalement coupable, et moi le premier. Il est évidemment plus facile de rentrer dans le dernier Fief que de s’habituer aux sonorités drone de Snarling Clearing. Mais le fait est que ces différents artistes, bien plus accessibles musicalement, sont bien trop mis à l’honneur. Et c’est ainsi que nous embrayons à nouveau sur DIM. Oui, DIM fait de la musique magnifique. Oui, Josiah Wilkinson est un musicien de talent. Mais DIM fait tout sauf du dungeon synth, et pourtant, une très grosse partie de la communauté s’extasie à répétition et outrance sur sa musique alors que nombre de petits projets – pour le coup de dungeon synth – n’ont pas l’audience qu’ils devraient en théorie avoir.

On pourrait avoir quelques mots sur ce vaste et obscur concept qu’est l’évolution du genre. Le poncif veut en effet qu’un genre qui n’évolue pas est voué à une mort certaine, mais l’adage s’applique-t-il au dungeon synth, qui est par définition un genre qui repose sur des codes très traditionnels ? Baste. Le dungeon synth n’a absolument pas vocation à évoluer, et une éventuelle évolution serait justement une mort certaine.

D’une certaine façon, comment en vouloir aux membres de la communauté ? La majorité des albums chéris, bien que rarement dungeon synth, sont riches d’un dépaysement et d’une évasion qu’on ne retrouve que rarement ailleurs. Mais à ce moment-là, autant être honnête avec soi-même et assumer son amour pour la musique de fantasy, et non pour le dungeon synth, car c’est bel et bien ce à quoi ressemble (au moins) la moitié des albums sortis lors des douze derniers mois. L’amalgame est certes répandu, mais de la part de la communauté, coller l’étiquette dungeon synth au dernier album de DIM, pour ne citer que lui, a tout de l’hérésie la plus révoltante pour n’importe quel puriste.

Affirmer haut et fort être un amateur de dungeon synth, mais aimer Darkstroll et non Erdstall, c’est aussi logique que d’initier quelqu’un au black metal en lui faisant écouter les derniers albums de Satyricon. Le dungeon synth est sans doute né mourant compte tenu de la taille de sa scène, mais s’il doit aussi sa survie à l’émergence de cette scène plus accessible musicalement, cette même scène pourrait bien avoir raison de lui d’ici quelques années si tout le monde s’obstine à bouder les vraies productions traditionnelles.

Voilà pourquoi la communauté dungeon synth a de nombreux torts. À idolâtrer certains projets d’importance qui n’ont de dungeon synth que l’étiquette, ce sont les vrais artistes de dungeon synth qui paient l’addition et qui sont en voie de disparition. DIM en est le triste symbole malgré lui. Compendium II est un album absolument splendide, mais même le dernier album d’Urfaust est plus dungeon synth dans l’âme que lui… Aimer le genre, c’est très bien, mais réellement écouter les projets qui en impriment les codes, c’est encore mieux.

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