Weemoed – Traummord

by Secluded Copyist

Vous connaissez probablement déjà la musique du projet solo hollandais nommé Weemoed, qui se veut atypique et plutôt expérimentale. Grâce au remaniement de certaines grandes œuvres à la sauce ambient black, le musicien originaire de Venlo commence à se faire un nom parmi les amoureux de black metal et de musique classique. Il revient vers nous au mois d’août avec sa troisième sortie, Traummord, qui est un condensé de chefs d’oeuvre classiques, de musique d’ambiance et de black metal. Une association audacieuse couronnée de succès.

Au premier abord, l’atmosphère développée sur Traummord vous semblera sans doute très particulière. Sans réellement être avant-gardiste, il subsiste une pointe très subtile de beauté dans la musique de Weemoed. Le pari du projet hollandais était simple. En associant de grandes oeuvres classiques de compositeurs renommés, tant anciens que contemporains, à un black metal froid et direct, le projet solo souhaitait obtenir un album au rendu résolument novateur et doté d’une certaine splendeur. Nous ne pouvons pas aller à l’encontre de ce choix technique, tant la perspective paraît alléchante, du moins sur le papier. Car, si Traummord est effectivement un très bon album, nous verrons par la suite que certains points en particulier auraient sans doute pu être mieux travaillés.

Vous constaterez rapidement que l’album appartiendrait davantage à un quelconque genre classique auquel nous aurions ajouté des touches black et atmosphériques qu’à un sous-genre black auquel nous aurions associé des touches de musique classique. Ôtez-vous de suite de l’esprit la pâle idée selon laquelle le genre puisse avoir un quelconque lien avec le black metal symphonique, il ne s’agit pas du tout du même registre, nous sommes ici face à une musique qui se veut d’une certaine distinction et riche d’une évidente noblesse. Pensez ce que vous désirez du choix du projet solo d’utiliser des oeuvres qu’il n’a pas composé lui-même en guise de base à sa musique, toujours est-il que le résultat est frais et très convaincant. Nous aurons donc au programme un travail de composition au-dessus d’oeuvres de Schubert, de Mahler, de Schumann ou même de Kilar. Sans pour autant rentrer dans un débat à propos du style de chaque compositeur dont Weemoed a utilisé le travail, on constate une certaine diversité musicale vis à vis des compositions sélectionnées. Ainsi, chaque titre est différent du précédent, et les idées qu’il dégage seront elles aussi remises en cause par le titre suivant au sein d’une espèce de voyage aux multiples escales, chacune plus riche de secrets que la précédente.

Techniquement, nous nous rendons rapidement compte que les touches propres au black metal concerne davantage l’ambiance que les instrumentations. Si quelques saturations très noires viennent étoffer Traummord, elles ne se distinguent pas sur tous les morceaux, loin s’en faut. Nous remarquons à ce titre davantage de sonorités atmosphériques qui, avouons-le, se marient à merveille aux splendides œuvres utilisées. Malgré tout, il convient de relever le principal point faible de cet album. À force de superposer, en quelque sorte, les différentes couches musicales sur chaque titre, il devient très difficile de distinguer toute la profondeur de Traummord si l’on ne se montre pas un tant soit peu concentré. Cela ne concerne évidemment pas la totalité de l’album, mais c’est justement les titres les plus travaillés qui présentent le plus grand intérêt, et il est quasiment impossible de les apprécier à leur juste valeur au cours d’une écoute passive. Je vous accorde que cet aspect est relativement fréquent au sein des albums du genre, mais il est très criant sur le dernier né de Weemoed. Ce n’est pas réellement une mauvaise chose en soi, mais tout le monde n’a pas nécessairement le temps de consacrer une écoute active à chaque album qu’il rencontre, et c’est dommage dans le cas de celui-ci.

Les amoureux des plus grands compositeurs, actuels ou des siècles passés, se retrouveront dans cette musique très astucieuse. C’est ainsi que nous sommes tout à fait émerveillés de relever l’utilisation d’un titre de l’extraordinaire bande originale du jeu Oblivion, par le génial Jeremy Soule, au sein du titre « Wo Tod Die Erste Geige Spielt ». Il s’agit d’un exemple parmi d’autres, mais il souligne le formidable effet de surprise qu’on laisse volontiers nous envahir au fil de Traummord. Ce dernier n’est pas à mettre entre toutes les mains, il plaira uniquement à ceux dont les goûts musicaux sont sensibles aux douces et mélodieuses subtilités propres à la musique classique. L’album n’est pas exempt d’une certaine peur et d’une dimension inconnue finalement assez forte, mais cela en ajoute à sa richesse certaine, et cela ne peut que nous contenter.

Weemoed a tapé du point sur la table avec la sortie de Traummord. Le projet solo hollandais, fruit du travail de SonderlingHerr, nous a produit ici un album de très bonne qualité qui nous rappelle que le genre black metal sait se montrer riche d’une variété et d’une profondeur extrêmes. Tout le monde ne se satisfera pas de ce nouvel album, mais ceux qui sauront se montrer réceptifs au fantastique travail fourni entameront un voyage qu’ils ne sont pas prêts d’oublier.

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