Dark Dungeon Festival 2024 J1

by Secluded Copyist

Nous sommes sans doute nombreux à vouloir y voir naître un pèlerinage annuel. La mi-avril rime désormais avec la tenue du Dark Dungeon Festival, audacieux événement mettant à l’honneur le dungeon synth et ses artistes rivalisant de créativité sur scène. Comme l’année précédente, la messe a lieu sur le site exceptionnel de l’avouerie d’Anthisnes, dans la la province de Liège, outre-Quiévrain. Petite nouveauté en 2024 — et c’est heureux — le festival est maintenant entièrement consacré au dungeon synth. C’est d’autant plus satisfaisant que la soirée black metal de 2023 avait eu des allures de remplissage. Cette fois, nous avons droit à une soirée et une journée entièrement consacrées à cette belle et étrange chose qu’est le dungeon synth.

Suite à mon arrivée sur les lieux, première surprise. Si le château de l’avouerie d’Anthisnes se dégage toujours de l’horizon lorsque l’on arrive sur les lieux en venant de Poulseur, cette fois-ci, une bardée d’échafaudages le ceignent. Ma foi, il faut bien prendre soin de ses monuments. Mon arrivée sur les lieux coïncide avec le début de la prestation d’Hyver, qui doit ouvrir le bal à l’aide de son dungeon synth enchanteur. Arrivant aux abords de la scène, je constate que notre artiste n’est pas juché derrière un imposant clavier comme le veut la tradition, mais debout face au public, sans attirail ou presque.

Tel un conteur rendu enthousiaste par le contenu de son récit, Hyver est venu raconter des choses qui lui tiennent à cœur. Avec son chapeau pointu et sa longue tunique, l’artiste diffuse sa musique en fond et parle par-dessus, met des mots sur chaque titre, chaque mélodie. La diction est fluide, le ton est léger mais les mots sont sélectionnés avec soin, il est clair que notre homme a dûment préparé son monologue. Il est question de chats et de rats, ce qui a le don d’interroger, dans la mesure où l’unique sortie du projet, Sorcier-Hibou, a pour protagoniste un animal à plumes. Suite à une fin épique mettant en scène notre héros et un roi de rats, Hyver distille une bribe de contexte. Pour l’événement, et uniquement pour celui-ci, il diffuse et met à disposition une nouvelle sortie nommée Sorcier-Chaton.

Tout en précisant que la cassette est disponible sur les lieux durant la tenue du festival, il ajoute que le stock restant sera détruit à l’issue du week-end. On sait à quel point le public dungeon synth estime les petites exclusivités de ce genre, et nul doute que la cassette trouvera preneur. Voilà qui conclut une prestation audacieuse, rafraîchissante et très bien accueillie dans l’ensemble, même si les non-francophones ont dû se sentir lésés. Tant pis pour eux. L’ambiance change avec l’arrivée prochaine de Sombre Arcane sur les planches. Le duo, qui n’a que peu produit de musique au fil des années, a malgré tout acquis une solide réputation au sein de la scène américaine. Cette prestation sonne donc comme une juste récompense.

Si le matériel d’Hyver tenait sur une chaise et demie, celui de Sombre Arcane nécessite un temps d’installation plus respectable. Se faisant face autant qu’au public, les deux artistes débarquent sur scène en tenue de circonstance — pseudo-armure pour l’un, large cape et capuche pour l’autre. Dès les premiers instants, la place laissée aux percussions intrigue. Plutôt consommateur de la musique du duo sur album, je suis néanmoins un peu dubitatif vis-à-vis de la rythmique globale du début de la prestation. Très rapide, le rythme ne laisse que peu de place aux ambiances pourtant très légères que Sombre Arcane a été capable de créer sur ses différentes sorties. Choix de setlist ? Peut-être. La chose est toutefois rectifiée assez vite et toute la magie du projet se dégage bientôt de la scène, pour le plus grand plaisir d’un public absorbé par la prestation des Américains.

Maîtres de leur installation, jonglant avec les instruments, les deux artistes en imposent et se font les géniteurs d’un show mesuré mais très réussi, et largement apprécié par le public. Une fois la scène de nouveau libre, chacun devait se préparer à accueillir un autre projet américain, en l’occurrence DIM, mais ce dernier a malheureusement dû annuler sa prestation en raison d’un petit problème à son arrivée en Belgique. C’est donc son homologue Malfet, qui a proposé de le remplacer, qui jouera à la fois ce soir et le lendemain. Profitant justement de l’opportunité de voir sa prestation plus tard, je choisis de faire l’impasse pour passer du temps sur les stands et au contact des fidèles et inamovibles membres de la communauté dungeon synth française. Ne serait-ce que pour cette unique raison, le Dark Dungeon Festival est absolument incontournable.

Le temps passe vite, il est déjà temps pour les derniers protagonistes de la soirée de faire hurler les claviers. La tête d’affiche du jour est conséquente, et pour cause, il s’agit de Gothmog. L’autre projet de Ral, bien évidemment connu pour Depressive Silence, sa tête de gondole. Cela étant, Gothmog jouit lui aussi d’une aura de qualité, obtenue par le biais de son unique et très grande sortie, Medieval Journeys, qui a vu le jour en 1998. Qui dit projet rare dit prestation rare, et ce ne sont pas moins de cinq musiciens qui arrivent sur scène, chacun assigné à son rôle et cagoulé comme le veulent les usages. Le public sait la rareté de l’événement et ne compte pas en rater une miette. Dès les premières notes, la volonté est claire : rendre l’héritage du projet allemand aussi vivant que possible, et tout est fait pour offrir aux spectateurs un show aussi communicatif que possible.

L’ensemble est très rythmé, mais toujours avec justesse. Tous les éléments sonores sont bien audibles, si ce n’est les chants, heureusement relégués au second plan dès lors que l’on a affaire à du dungeon synth. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la prestation est carrée. On sent les cinq acteurs concernés et rompus à l’exercice de la scène, que ce soit vrai ou non. Le public répond présent, parfois même un peu trop. J’aurais sans doute davantage apprécié le concert si ma voisine de devant n’avait pas filmé l’entièreté de la prestation — l’entièreté — sans la moindre gêne. Quoi qu’il en soit, la possibilité de voir se produire un tel monument est un réel plaisir dont la valeur se ressent. Conscient de la fibre nostalgique du public et de son amour pour Summoning, Gothmog conclut même sur un « The Passing of the Grey Company » du bel effet. Un titre incroyable pour hommage de grande qualité.

Première soirée réussie et très riche en émotions. Pour moi comme pour beaucoup, il va être difficile de trouver le sommeil après une telle effervescence sur le plan musical et personnel. Beaucoup de belles choses se sont déroulées ce soir, et d’autres doivent encore avoir lieu dès le lendemain, avec une programmation encore plus fournie, et toujours plus d’artistes talentueux. En ce qui me concerne, j’attends particulièrement les prestations de mes acolytes français, Wydraddear et Weress. On a déjà hâte d’y être !

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