Dark Dungeon Festival 2023 J1

Après de longues semaines d’attente pour les uns, de préparation et d’organisation pour les autres, le temps est venue de prendre la direction des Ardennes belges et du village d’Anthisnes, dans lequel doit se dérouler la toute première édition du Dark Dungeon Festival. Le concept est unique en Europe, à savoir celui de proposer un festival quasi-exclusivement consacré au dungeon synth, genre musical d’artiste reclus par excellence. C’est à l’initiative d’AZ Live et d’Esteban Lebron-Ruiz que se tient ainsi un événement sur deux jours qui n’a pas manqué de susciter un certain intérêt au moment de son annonce. Et pour cause, tous ses billets étaient vendus en amont du jour J.

Situation professionnelle et éloignement géographique obligent, j’arrive sur les lieux le vendredi soir sur les coups de 21 heures, non sans avoir eu l’impression de parcourir toute la vallée de l’Ourthe en voiture. Un coin au demeurant très charmant. L’un des principaux arguments en faveur de ce Dark Dungeon Festival ne mentait pas : quelques kilomètres avant d’arriver sur les lieux de l’événement, le Château de l’Avouerie d’Anthisnes peut déjà être aperçu et surplombe les environs avec une certaine majesté. Son impressionnant aspect extérieur annonce la couleur quant à ce que chacun peut découvrir entre ses murs. Boiseries et maçonneries de grande qualité confèrent aux lieux un charme certain. Ces derniers semblent en effet parfaitement appropriés pour le dungeon synth, même si pour l’heure, le black metal est à l’honneur.

Compte tenu de mon retard, je n’ai strictement rien vu de la prestation de Räum, dont la présence sur l’affiche a pu surprendre au moment des différentes annonces. Mightiest et Enthroned ne sont peut-être pas Summoning et Caladan Brood, mais leur programmation à un festival de dungeon synth semble déjà un peu plus logique. Avec quelques minutes de retard, l’impressionnant line-up de Mightiest investit la scène, bien décidé à secouer un public plutôt fourni. À l’aide de son black metal accrocheur aux relents mélodiques prononcés, le groupe allemand ne tarde pas à installer une ambiance survoltée, notamment portée par des riffs tranchants. Côté son, les chants d’Olli sont dans un premier temps parfaitement inaudibles, petit problème qui sera corrigé par la suite, et les caisses claires prennent de la place dans le paysage sonore.

Néanmoins, ces légers désagréments ne semblent pas perturber qui que ce soit, et l’énergie déployée par le groupe sur scène lui permet de commettre son forfait auprès du public avec beaucoup de facilité. Le jeu de scène est globalement neutre, même si Olli, bien aidé par son bon mètre quatre-vingts et son charisme naturel, capte l’attention du public sans mal. Bien que Mightiest ne soit pas un grand nom du genre, sa prestation fut de grande qualité et a parfaitement introduit celle qui doit suivre, à savoir celle des Belges d’Enthroned. Le moment est cependant venu d’explorer un peu le donjon, et l’on s’attarde évidemment sur le rez-de-chaussée qui, outre un espace consacré aux musiciens, compte deux salles parmi lesquelles se trouvent l’artiste Joan Llopis-Doménech – connu pour ses très beaux artworks, il a d’ailleurs réalisé celui qui orne le magnifique tee-shirt du festival – ainsi que plusieurs stands de labels.

Dans l’étroite mais longue salle proposée aux labels, on trouve évidemment des visages – ou du moins à ce moment-là du week-end, des noms et pseudonymes – tout à fait connus. Nous y reviendrons évidemment par la suite, mais la plus grande force de l’événement est d’être parvenu à rassembler des artistes et suiveurs qui ne se côtoyaient jusqu’alors qu’à travers des écrans. En face des stands d’Out of Season et de Gondolin Records se trouve celui d’Ancient King Records, estimable entité gérée par John et Henri, dont on ne présente plus vraiment les immenses travaux. Il est très plaisant et un brin émouvant de pouvoir échanger de vive voix avec des acteurs de la scène dungeon synth que l’on suit parfois depuis des années.

Le temps file et il est déjà temps pour le troisième et dernier groupe de black metal d’investir la scène. Le décorum général ne change que peu, même si à la différence de Mightiest, Enthroned est reconnu pour faire honneur à l’accoutrement traditionnel en matière de black metal. De bien beaux corpse paints sont arborés avec fierté à mesure que les musiciens débarquent sur les planches pour entamer leur prestation. Dans un registre plus agressif que celui de Mightiest, les Belges vont un cran plus loin dans l’installation d’un climat au sein duquel la violence règne. Le son est très bon, chaque élément sonore joue son rôle avec beaucoup de justesse, et au micro, Nornagest entretient le lien avec le public, qui ne boude pas son plaisir.

Première soirée réussie pour le Dark Dungeon Festival. Dans un cadre exceptionnel, les acteurs de la soirée ont assuré un show à la hauteur de l’événement et ont parfaitement introduit ce qui doit venir dès le lendemain, à savoir la longue journée consacrée aux artistes de dungeon synth. Le fait d’intégrer une soirée black metal en parallèle des prestations de dungeon synth est évidemment une riche idée. Ceci étant, la prochaine fois, peut-être pourra-t-on avoir l’occasion de voir des groupes au style un peu plus proche, justement, du dungeon synth.