Dark Dungeon Festival 2024 J2

by Secluded Copyist

Deuxième jour de festivités en vue pour la deuxième édition du Dark Dungeon Festival. Après une première soirée très sympathique, l’événement dungeon synth prend cette fois rendez-vous pour offrir une après-midi et une soirée complètes de joyeusetés à ses spectateurs. Journée spéciale pour la communauté française, qui après avoir assisté à la prestation d’Hyver la veille, aura l’occasion de découvrir celles de Wydraddear et de Weress aujourd’hui. Sans oublier la venue de Bataille, dont le concert semble particulièrement attendu par une partie du public. Pour un show global que l’on espère inoubliable.

Après avoir vadrouillé du côté de la Roche-aux-Faucons et du sublime point de vue qu’elle offre aux marcheurs, l’arrivée sur les lieux du Dark Dungeon Festival se fait autrement plus tôt que la veille. De nouveau, le soleil brille fort sur les murs denses du château de l’avouerie. Bien que les concerts redémarrent dans une bonne heure, c’est déjà le branle-bas de combat à l’intérieur. Alors que Depressive Silence installe son matériel et effectue ses balances, les autres artistes se relayent pour amener leur attirail. C’est finalement au tour de l’ami Baddoar de s’imprégner de la scène pour prendre possession des lieux et mettre en place son imposant clavier. Avec un quart d’heure de retard, pour d’obscures raisons, le premier concert de cette deuxième journée peut débuter.

L’artiste hyperactif, qui est particulièrement mis à l’honneur dans nos lignes, jouit d’une opportunité sans pareille de faire rugir le dungeon synth caverneux de son projet principal, Wydraddear. Baddoar fait son apparition sur scène affublé d’une épaisse tunique et d’une large capuche, prêt à faire trembler les murs du château. La prestation s’ouvre sur « Silent Gathering », titre introductif du dernier album en date, Threshold of the Brave. Les amateurs du projet sont en terrain conquis. Reconnaissable entre mille, le son de clavier de notre artiste résonne tantôt comme une plainte légère, tantôt comme un râle plus lourd et rampant, comme sur « Light on the Clearing », qui rappelle de bons souvenirs à ceux qui suivent le projet depuis ses débuts.

La setlist est fournie et très étalée sur le plan chronologique. Juché derrière son installation, Baddoar manie le son avec dextérité pour arriver à ses fins et se permet quelques timides interactions avec un public plutôt réceptif à son style pourtant peu accessible. Une grosse demi-heure plus tard, c’est un Baddoar radieux qui vient saluer son auditoire du jour. L’atmosphère rigoureuse et recueillie de sa prestation a assurément fait son effet. L’émotion de voir un artiste suivi dès ses débuts investir la scène avec succès, fut-ce pour du dungeon synth, est un moment particulièrement marquant. Un projet français en cachant un autre, Wydraddear laisse place à Weress, dans un style toutefois très différent. J’admets avoir peur de voir ce que le registre très aérien du projet va donner sur scène. Et comme souvent, mes doutes sont balayés très vite.

Suite à une installation rendue difficile par l’impossibilité d’effectuer les balances dans la matinée, les musiciens live de Weress arrivent sur scène après avoir passé un certain temps à se mettre en place. Mais l’attente en vaut la chandelle. Trois individus arborant chacun un masque blanc inexpressif et un poil hypnotisant font leur entrée sur scène avec grâce et légèreté, et c’est au son du très entraînant « Lueurs nocturnes » que Weress entame sa prestation. Mes doutes étaient concentrés sur la capacité des musiciens à rendre la musique du projet — très atmosphérique — vivante dans le cadre d’une représentation sur scène. Il ne faut pas longtemps à ces mêmes musiciens pour conquérir un public très fourni et captivé par ce qu’il a sous les yeux. John, tête pensante du projet au centre, Henri et Rose à ses côtés. Chacun récite sa partition à merveille pour envoûter son auditoire.

Les gestes sont maîtrisés, le jeu de scène est suffisamment expressif pour entretenir le lien avec le public, mais sans dénaturer l’univers céleste — et par conséquent un peu distant — de Weress. Mention spéciale pour la vidéo diffusée en arrière-plan, qui augmente comme il se doit ce qui se déroule sur scène. Le son est très bon, le public exulte entre chaque titre, la mise en scène est réussie, rien ne se met en travers du chemin de Weress, qui signe l’un des prestations les plus remarquables du week-end. Pour une première, c’est très fort, et bon courage à celles et ceux qui investiront la scène par la suite !

Weress a placé la barre très haut, et la précision a son importance, car vient le tour de l’unique artiste danois du week-end en la personne de C. Haxholm, venu représenter son projet Henbane. L’estimable entité, connue pour être l’une des figures de proue du non moins estimable Gondolin Records, hérite de la mission on ne peut plus périlleuse de prendre la suite du projet français. Malheureusement pour notre artiste, il faut dire qu’il a choisi de se présenter sur scène sans le moindre artifice visuel, jouant assis face à son matériel pendant toute sa prestation, et ne communiquant pas le moins du monde avec son public, à l’image d’Archierophant l’année dernière. Ajoutez à cela que le son est à revoir en début de set, faisant résonner les claviers plus que de raison, et on conclut assez vite que notre pauvre artiste n’est pas dans les meilleures conditions pour charmer son audience.

Henbane est malgré lui l’exemple parfait d’un projet solide, talentueux et établi, mais dont l’intérêt de le voir sur scène faiblit au regard de la plus-value relative que cette perspective offre aux spectateurs. Bien qu’il soit toujours intéressant de voir un artiste en action sur scène, le fait de donner vie à la musique d’un projet de dungeon synth fait partie de ce que l’on attend d’un événement tel que le Dark Dungeon Festival. On va me trouver chafouin, mais le constat inverse peut être fait pour Mørke og Lys. Le projet grec, unique représentant féminin de l’année, prend le parti de pousser au maximum le curseur de la mise en scène, pour un résultat qui laisse par moments un peu perplexe.

C’est d’abord l’acolyte de Hildr Valkyrie qui fait son apparition sur scène, un masque de chaque côté du chef. Faisant tinter ensemble deux objets que j’ai peine à identifier, il introduit rapidement la musicienne qu’il accompagne avec toute la déférence due à une dame. Très vite, Hildr Valkyrie fait converger les regards en raison du très grand soin apporté à sa tenue et à son maquillage. Corpse paints, couronne, longue chevelure blonde et frisée tombant le long de son buste… Les deux acteurs de la prestation de Mørke og Lys — on ne parlera pas du troisième, qui n’est guère plus qu’un figurant — mettent leur force en commun pour animer un show avant tout visuel. Entendons par-là que nos musiciens ne touchent pas beaucoup à leurs instruments.

Sur la quasi-totalité de la représentation, Hildr Valkyrie et son partenaire s’adonnent davantage à une espèce de spectacle gestuel qu’à un véritable concert de musique. Parti pris ? Peut-être, mais l’effort apporté à la préparation de la mise en scène est mis à mal par les gesticulations parfois déconcertantes des deux artistes. De nouveau, le son laisse à désirer — on n’entendra jamais ce que la musicienne a à raconter à son audience — et quelques larsens se font entendre. Comme dans le cas de Henbane, on a la sensation que la prestation ne rend pas convenablement hommage à la musique au demeurant très intéressante du projet.

Le moment est choisi pour se promener de nouveau dans le magnifique édifice qui sert de cadre à cet événement hors du commun. Ayons d’ailleurs quelques mots pour l’organisation, qui semble faire mouche une fois de plus cette année. Non content d’offrir un environnement formidable aux nombreux spectateurs, elle s’appuie sur nombre de bénévoles avec lesquels il est très agréable d’échanger. Le constat peut être étendu à l’entièreté des acteurs du festival : artistes, gérants de label, spectateurs… On ne dira jamais assez l’importance du Dark Dungeon Festival dans sa faculté à rassembler des amateurs de musique qui ne se fréquentent habituellement qu’à travers l’interface des réseaux sociaux.

Il est déjà temps pour le prochain artiste du jour de prendre place sur l’étroite scène du château. Troisième et dernier projet français à se produire aujourd’hui, Bataille entend bien remuer son monde à l’aide d’un style faisant la part belle au registre épique et au savant mélange de claviers et de riffs de guitare. Une fois l’installation terminée, Maxwell débarque sur scène pour lancer les hostilités, bientôt rejoint par RiffThrower, son guitariste du jour, membre des joyeux lurons de Gravekvlt. D’emblée, on constate que le travail réalisé sur la dimension visuelle de la prestation est de grande qualité. À l’image de Weress, mais dans un style complètement différent, Bataille s’appuie sur un montage vidéo très fourni au sein duquel se succèdent les références cinématographiques de qualité. Non contents de captiver les spectateurs à l’aide de cet arrière-plan très riche, les deux musiciens font aussi le show sur scène.

Bien aidés par le style très accrocheur de Bataille, Maxwell et RiffThrower adoptent un jeu plutôt communicatif visant à embarquer le public dans leur folle aventure. Ce dernier répond d’ailleurs très largement présent, et on ne met pas longtemps à s’apercevoir que les premiers rangs sont garnis de spectateurs particulièrement consommateurs de la musique du projet. Le son se montre cette fois plutôt coopératif, même si la guitare a parfois du mal à prendre la place qui lui revient de droit. Au rayon des titres assénés au public, ma méconnaissance du répertoire du projet ne me permet pas de reconnaître autre chose que « En avant ! », petite pépite dont la mélodie principale et une merveille d’efficacité. La prestation donne l’impression de passer en un éclair, et les deux musiciens peuvent se targuer d’avoir amplement réussi à ravir le public.

Cette fois-ci, c’est la bonne. J’avais fait l’impasse sur le premier concert de Malfet la veille — programmé à la dernière minute pour remplacer DIM —, me voilà maintenant prêt pour le deuxième, prêt à découvrir sur scène un artiste dont l’identité graphique est reconnaissable entre mille et dont le style pourrait bien se prêter aux planches. Seul sur scène — mine de rien, c’est seulement le troisième projet de la journée à agir de la sorte — notre artiste arrive cerclé d’une cotte de mailles et déterminé à sublimer ce qu’il qualifie de pastoral dungeon synth. Assez peu de choses à dire sur la prestation de l’Américain, si ce n’est qu’elle se déroule de façon tout à fait limpide, sans accroc ni coup d’éclat. En somme, ce que l’on attend précisément d’un show de Malfet, un show léger, fluide et un poil rêveur.

Forcé par des contraintes personnelles, mon week-end anthisnois s’achève au moment précis où Malfet reçoit d’ultimes acclamations. Déçu de ne pouvoir assister aux dernières représentations de la journée — Örnatorpet, Depressive Silence et Mortiis, une sélection de choix —, je suis malgré tout ravi des grosses vingt-quatre heures passées sur les lieux. Le temps de saluer les indéfectibles membres de la communauté française — les quatre compères d’Ancient King Records, Erang le démasqué, sans oublier Corbac Le Noir et mes compagnons du Nord — et me voilà déjà sur la route, la tête pleine de nappes de clavier brumeuses et d’images verdoyantes.

Le Dark Dungeon Festival est parvenu à créer quelque chose de grand. L’entreprise a dû en surprendre plus d’un lorsqu’elle a débuté, il y a plus d’un an. Depuis, on peut affirmer sans sourciller qu’elle a de très beaux jours devant elle, surtout lorsque l’on voit la fréquentation de ce cru 2024. Le festival wallon souligne à merveille ce qu’est le dungeon synth aux yeux de ses amateurs, c’est-à-dire moins un genre musical à part entière qu’une communauté étonnamment solide et pleine d’effervescence. Non sans émotion, on jette un regard attendri sur l’événement qui vient d’avoir lieu. Une seule idée en tête, qu’il perdure longtemps et ne perde rien de sa légèreté.

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