Oranssi Pazuzu + Telepathy – Tourcoing

by Secluded Copyist

Chaque année, l’arrivée de l’automne coïncide naturellement avec l’installation de la saison des concerts, au détriment de celle des festivals. Ce lundi soir, il est temps de prendre la direction du centre de Tourcoing et de son Grand Mix pour y vivre une petite soirée metal qui annonce un spectacle tout à fait honnête. Deux groupes plus ou moins liés par leur travail atmosphérique doivent fouler les planches tourquennoises : les Britanniques de Telepathy et les Finlandais d’Oranssi Pazuzu. Une affiche modeste donc, mais dont la cohérence devrait a priori être sublimée par le cadre intimiste offert par le Grand Mix.

Alors qu’une chape sombre surplombe Tourcoing, nous entrons dans un Grand Mix à l’ambiance très calme en ce début de soirée. En effet, le concert du soir aura lieu dans le club, petite salle située à l’étage de l’établissement. J’entre dans la salle alors que la prestation de Telepathy est sur le point de débuter, j’ai alors juste le temps d’attraper ma pinte de Mongy Triple que le quatuor débarque sur scène dans une tenue noire tout à fait conventionnelle. Mes aprioris sur le sludge me rendent sceptique quant à la prestation des Britanniques, mais leur conception atmosphérique du genre est en passe de balayer tout cela.

En clair, je suis plutôt agréablement surpris par ce qui se déroule sur scène. Le son est très bon, bien que la batterie prenne beaucoup de place, et rend hommage de belle manière à la musique lourde et monolithique de Telepathy. Au cours d’un set entièrement instrumental, les musiciens assènent les riffs pesants et enveloppants avec une certaine fougue pendant qu’une batterie léthargique bat la cadence à la manière d’une force tranquille. Malgré la relative lenteur de la musique qui est jouée, les musiciens se montrent plutôt expressifs sur scène. Derrière ses fûts, Piotr cogne comme un sourd et est soutenu dans sa démarche par un Ted habité.

Les communications avec le public sont rares, ce qui entretient la distance entre les musiciens et les spectateurs. Du début à la fin, le show est déshumanisé au possible, ce qui permet de profiter pleinement du climat très intéressant installé par les artistes britanniques. Je n’en attendais pas tant et j’admets avoir été très agréablement surpris par les membres de Telepathy. Pour introduire un groupe tel qu’Oranssi Pazuzu, il s’agissait probablement de la prestation parfaite. Une fois ces joyeusetés inaugurales terminées, on s’active sur scène pour faire place nette et laisser le quintette finlandais prendre possession des lieux. Rapidement, tout l’attirail électronique vient prendre une place considérable sur scène, chaque musicien ayant manifestement besoin d’une bonne quinzaine de pédales d’effet au minimum, sans parler de tout ce qui est monté sur pied. Le coin qui sera plus tard occupé par Ontto est même agrémenté d’un authentique trombone. Ça promet.

Après avoir terminé les balances, les membres du groupe reviennent sur une scène gagnée par un épais brouillard. Les hostilités peuvent enfin reprendre. Il est agréable de revoir Oranssi Pazuzu sur scène, et surtout dans un contexte différent. En ce qui me concerne, j’avais déjà eu l’occasion de voir les Finlandais à l’œuvre lors du Fall of Summer 2016. Le cadre était sensiblement différent dans la mesure où le groupe avait joué en pleine après-midi et que le public avait les pieds dans le sable. Cette fois-ci, les lieux se prêtent un peu plus au style du groupe. Mais justement, parlons-en un peu du style du groupe.

Depuis la sortie de Värähtelijä en 2016, le black metal psychédélique et expérimental d’Oranssi Pazuzu a acquis une solide réputation, mais l’impression que le groupe réussit surtout sur album est prégnante. Pour en revenir au concert du soir, il est évidemment très plaisant de voir les musiciens à l’œuvre sur scène, qui plus est dans une salle aussi petite et qui offre donc une telle proximité entre le groupe et son public. Mais passé ce sentiment d’exclusivité, on se doit d’avouer qu’on ne sait pas bien ce qui se passe sur le plan sonore. Sans jeter la pierre à qui que ce soit, si la musique d’Oranssi Pazuzu s’apparente déjà à un menu marasme sur album, on sait d’emblée que la chose posera un certain nombre de problèmes en live.

Tout ceci a malgré tout une saveur bien particulière. Il est fascinant de voir Ikon et EviL pianoter sur leurs nombreux appareils. Il est fascinant de suivre sur la durée le jeu de batterie de Korjak. Il est fascinant de voir Ontto sortir son trombone pour en faire sortir des sons que ne renierait pas Erdstall. Ceci étant, une fois que le spectacle visuel a commis son forfait, force est de constater que seul le son demeure, et que ce dernier ne permet pas de rendre hommage à une musique excellente sur album mais fort peu adaptée aux représentations scéniques. Mention spéciale au tout dernier titre de la soirée, joué après le rappel, qui a surtout permis à Ikon et Jun-His de se défouler une dernière fois.

Qu’on ne s’y méprenne pas, ce fut une excellente soirée passée au Grand Mix, et les artistes ainsi que Cerbère Coryphée doivent être félicités pour cela. Mais inévitablement, et malgré toute l’affection que j’ai pour la musique d’Oranssi Pazuzu, l’intérêt que représente sa musique sur scène peut être questionné. Quoi qu’il en soit, je serais de bien mauvaise foi si j’affirmais ne pas avoir passé un très bon moment. Telepathy fut une belle découverte et il me tardait de revoir Oranssi Pazuzu sur scène. Tout ceci couplé au cadre parfait offert par le Grand Mix a évidemment permis à la soirée de se dérouler le mieux possible.

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