- Article initialement publié sur le Repère des Reclus
- États-Unis
- Dungeon Synth / Ambient
- Indépendant
- 12 avril 2019
Je m’étais aventuré sans réelle conviction sur une nouvelle vidéo provenant de la chaîne The Dungeon Synth Archives, entité respectable mais généralement peu calquée sur mes goûts en matière de dungeon synth, comme attiré par la pochette de ce curieux album éponyme. Fogweaver est un nouveau né sur la scène dungeon synth internationale, et en gratifie déjà chaque membre d’un album à la durée fort respectable pour une première sortie, un nouvel artiste cherchant généralement à passer par la case démo au préalable. Et quelle ne fut pas ma surprise au moment de me pencher sur ce qui ressemble bien, déjà, à l’un des albums qui feront date sur l’année 2019.
Il faut dire que la pochette de Fogweaver attire l’attention. Beaucoup de poésie se dégage de la peinture de David James Forbes, montrant Austvågøy, la plus grande des îles Lofoten, à laquelle l’artiste a ajouté un délicat filtre violacé. On reconnaît également la patte d’Artifakt Art sur le logo, qui se fond parfaitement dans le ciel norvégien de la pochette. Avant même d’avoir jeté une oreille sur la musique, on peut dire que le charme opère. Et la suite ne va que renforcer ce sentiment tenace, qui va bel et bien affirmer son emprise au fil des titres de l’album.
C’est ainsi que démarre “Spell-Woven”, le premier titre d’une série de huit. Au doux bruit des vagues vient se mêler une mélodie au clavier non moins subtile. En une fraction de seconde, la détente est totale. Il n’y a rien de plus simpliste que cette mélodie qui ne varie jamais, mais elle se répète de manière si belle, si hypnotique, qu’elle pourrait bien durer une heure sans faire faire naître de lassitude. Cette entrée en matière est absolument splendide, et ce titre prouve définitivement, si cela était nécessaire, que la démonstration technique va à l’encontre de ce qu’est réellement le dungeon synth. Quelques notes au clavier répétée à tue-tête, et le dépaysement est totale. Magnifique.
Et pour ne rien perturber à l’état de langueur extrême dans lequel on aime se plonger à l’écoute de Fogweaver, la suite est au même niveau, surtout avec la beauté de “Sparrowhawk”. Le minimalisme a du mal à se défaire de l’image parfois péjorative qu’il véhicule, même lorsqu’il s’agit du dungeon synth, un genre musical qui fait pourtant la part belle à ce genre de productions simples. Et Fogweaver est justement là pour rappeler à chaque acteur de la scène ce qu’est ou ce que doit être le dungeon synth : une succession de mélodies simples voire minimalistes, si possible à l’aide de sonorité électroniques, le tout au coeur d’une atmosphère qui inspire à un voyage plus que prononcé.
Et tout ceci, Fogweaver le fait à merveille, il le fait même comme trop peu d’artistes de dungeon synth. Faire de l’épique, c’est bien, faire de la musique orchestrale, c’est bien (quoique), mais tout ceci, ça va cinq minutes. L’artiste américain touche ici du bout des doigts l’essence du genre. Selon la description que fournit l’artiste, l’inspiration du projet vient du Cycle de Terremer (1964-2001), immense saga de fantasy rédigée par Ursula K. Le Guin durant de longues années. Un autre artiste de dungeon synth se dit généralement inspiré par les écrits de l’américaine, et il s’agit de Trogool. Comme quoi, les grands esprits se rencontrent.
Pour en revenir à la musique, du début à la fin, l’album garde sa très forte saveur de voyage paisible au gré des flots dépeints sur la pochette. Les sonorités se montrent parfois un poil plus consistantes, plus bourdonnantes, mais ne viennent jamais perturber la formidable quiétude qui subsiste sur cet album. Si l’artiste affirme haut et fort qu’Ursula K. Le Guin l’inspire indéfinitivement, que pourra-t-on dire de son album ? Une sortie grandiose.
Formidable de charme et d’équilibre, le tout premier album de Fogweaver dépasse de loin le stade de bonne surprise. Les beaux jours arrivent, et il est probablement temps de ranger les albums froids pour sortir les albums de dungeon synth plus champêtres. Fogweaver est de ceux-là, et il fait déjà partie des sorties de dungeon synth les plus réussies de l’année. On attend avec impatience de voir la suite.