Throne Fest 2022 J2

by Secluded Copyist

Après une première journée mitigée mais globalement réussie, il est déjà temps de remettre le couvert pour les spectateurs du Throne Fest. Cette journée du samedi promet d’être riche en groupes agressifs, sans doute davantage que la veille, et le fait d’être entré pour de bon dans le week-end promet a priori un nombre de spectateurs un peu plus conséquent que la veille. Entrons sans plus tarder dans ce jour charnière de l’édition 2022 du Throne Fest.

Agenda personnel oblige, j’arrive sur les lieux sur les coups de quinze heures, c’est-à-dire en ayant raté les prestations des Britanniques d’Abduction et des Polonais d’Odium Humani Generis, ces derniers ayant été ajoutés à l’affiche en début de semaine suite à l’annulation de la venue de Shrine of Insanibilis. Je n’ai malheureusement rien à dire de particulier sur la prestation des deux groupes. Après un rapide tour du côté des nouveaux stands de merch, je m’installe au fond de la salle pour suivre le show d’In Twilight’s Embrace, groupe polonais que je connais fort peu et qui présente visiblement la particularité d’avoir évolué dans différent styles de metal au cours de son histoire.

Du fond de la salle, l’expérience est très réussie. Au chant, Cyprian Łakomy semble particulièrement captivant par sa manière de s’approprier le set de ses camarades. Il prend assurément beaucoup de place sur scène, et ses mouvements et contacts avec le public doivent être très agréables à suivre depuis les premiers rangs. Le son est très bon, du moins à la position à laquelle je me trouve, ce qui ne manque pas de sublimer la musique très rythmée d’In Twilight’s Embrace. Au fond de la scène trône le magnifique sigil du groupe, à la fois fascinant et menaçant, apparaissant et disparaissant selon le goût des jeux de lumière. Très belle entrée en matière pour cette deuxième journée. La salle se vidant une fois le show terminé, j’en profite pour me poster devant la scène, comme à mon habitude, afin d’être mieux placé pour admirer Thornspawn, dont la venue m’intrigue beaucoup.

L’entité américaine n’étant formée que d’un duo – Blackthorn à la batterie et au chant, Hella à la basse –, elle peut profiter pour l’occasion de la participation d’une tête bien connue. En effet, ce n’est autre qu’Obscura, membre d’Asagraum (entre autres), qui officie à la guitare. Une fois le solide Blackthorn installé derrière sa batterie, Hella débarque sur scène dans un attirail fait de cuir et de clous qui ferait pâlir Gene Simmons, de même qu’Obscura, en tenue plus discrète, l’œil rivé sur les antisèches placées sur ses retours. Le black metal primitif et instinctif du groupe ne tarde pas à faire mouche auprès d’un public rapidement massé aux abords de la scène. On l’aperçoit à peine derrière son imposante batterie mais on l’entend bien, Blackthorn déverse sa haine dans son micro pendant qu’Hella et Obscura assurent l’animation sous les yeux du public.

Le son est plutôt bon et permet de se rendre compte que l’invitée du soir se débrouille à merveille à la guitare. Quelques mouvements dans la fosse permettent de parachever ce beau moment de black metal brut, et le concert du trio prend fin assez vite, preuve que la recette de Thornspawn a très bien marché et a fait office de transition parfaite entre In Twilight’s Embrace et Doedsvangr. Je suis justement très curieux de voir ce groupe « international », comme l’on dit, se produire sous mes yeux, son line-up et sa discographie parlant pour lui. Avec Serpents ov Old sorti en 2021, le groupe débarque sur les planches du Kubox avec encore plus de certitudes, et sa prestation ne va pas venir entacher cela.

Sans grande surprise, les musiciens dégagent une assurance et une maîtrise impressionnantes. Les titres dévastateurs s’enchaînent à une cadence folle et rien ne semble pertuber nos cinq artistes, sauf peut-être un câble débranché par inadvertance par Doedsadmiral en début de set. Concernant le frontman du groupe, difficile de ne pas y voir un double d’Hoest. Jeu de scène, accoutrement, gestuelle, et même maquillage et lentilles, tout chez lui nous rappelle le chanteur de Taake. Troublant. L’initiative est en tout cas parfaitement réussie et l’habile homme attire tous les regards. Derrière ses fûts, AntiChristian prend un plaisir monstre et ne se fait pas prier pour le partager avec le public. Tout juste peut-on déplorer quelques crowdsurfers – une seule à vrai-dire, mais plusieurs fois – pour donner un peu de grain à moudre aux membres de la sécurité. « On est pas à Damso », entends-je à ma gauche.

Une prestation finalement très réussie, bien que la guitare rythmique et la basse aient pris beaucoup de place dans le paysage sonore. Le groupe quitte alors la scène sous les acclamations du public, moment choisi par votre narrateur pour prendre une pause. Tant pis pour Regarde les Hommes Tomber, groupe parfaitement estimable mais déjà vu plusieurs fois, ce qui n’est pas le cas des trois formations qui prendront le relais par la suite. Nous commencerons donc avec Whoredom Rife, groupe originaire de Trondheim et réputé pour la qualité de ses albums. Pour faire suite à Doedsvangr – du moins en ce qui me concerne –, il s’agit du groupe parfait. Habillés et maquillés comme le veulent les usages, les musiciens ne tardent pas à faire pleuvoir les coups. Il ne leur faut que quelques secondes à vrai-dire, une poignée de secondes pour que les fins connaisseurs du premier rang ne dodelinent à s’en rompre les cervicales.

Au chant, K.R fait preuve d’un charisme impressionnant. Il arpente la scène sur toute sa largeur pour aller vociférer devant tout le monde, allant même jusqu’à monter sur les barrières vers la fin du set pour être au contact d’un public très largement acquis à sa sombre cause. Les Norvégiens ont parfaitement rempli leur rôle et se sont montrés dignes de la scène nationale de leur beau pays. Restons en Norvège, si vous le voulez bien, car il est temps pour l’un des gros noms de cette édition 2022 de prendre place sur la scène du Kubox, ou du moins l’un des plus attendus. S’il y a au Throne Fest cette année deux ou trois groupes pour lesquels je me déplace particulièrement, Urgehal en fait assurément partie. Sa prestation revêt une symbolique d’autant plus importante qu’elle a lieu dix ans après la disparition de Trondr Nefas, et surtout le jour même où l’ancien frontman du groupe aurait dû fêter ses 45 ans. Tout un programme.

Les mots me manquent pour exprimer à quel point l’hommage fut bien rendu. Tout d’abord, grâce à un son parfait, les titres dévastateurs se sont enchaînés à un rythme fou. Ce fut un plaisir immense, non seulement de profiter des « Satanic Black Metal in Hell », « Goatcraft Torment » et autres « Antireligiøs », mais également de voir le public entonner leurs refrains en compagnie de Morten Shax, au micro lors de la première partie du concert. À la guitare, Enzifer enchaîne les riffs cultes et permet au public de se mouvoir avec toute l’agressivité permise par la musique d’Urgehal. Vers le milieu du set, Morten Shax laisse le micro à Sorath Northgrove, frontman de Vulture Lord. Le groupe de black thrash norvégien compte dans ses rangs de nombreux membres passés par Urgehal, dont Trondr Nefas lui-même. Un joli clin d’œil.

Comme on peut l’imaginer, la fosse s’agite considérablement d’un bout à l’autre de la prestation des Scandinaves. Si pas de bagarre devant Urgehal, quand bagarre y aura-t-il ? Les cervicales encore endolories au moment où j’écris ces lignes, je me rappelle au bon souvenir d’un concert mémorable et un brin émouvant par sa portée symbolique. Personne n’a oublié Trondr Nefas et tout le monde lui a rendu hommage comme il se devait sous le toit du Kubox. Seul point noir, Enzifer n’arborait pas son cultissime casque à pointes sur scène. Sacrilège !

Une fois le show terminé, il est temps pour la tête d’affiche du jour d’investir les planches du Kubox, et déjà, j’ai comme l’impression que Mgła ne me fera pas autant d’effet qu’Urgehal à l’instant. Appréciant beaucoup le groupe sur album – surtout Exercises in Futility, sans doute comme beaucoup – et désireux de le découvrir sur scène pour la première fois, la venue au Throne Fest tombe à point nommé. Néanmoins, très rapidement, on constate que le son global est un peu fouillis, voire accaparé par la batterie. Chose étrange, on se repère au simple son de cette dernière pour reconnaître tel ou tel titre – la setlist est fort logiquement constituée d’un mélange uniforme de titres provenant des deux derniers albums. Sur scène, conformément à ce que l’on pouvait craindre, peu de mouvement, à peine quelques mouvements du chef de la part du bassiste. Si le son avait été au poil, la prestance du groupe aurait suivi, mais là…

Déception qui n’en est pas vraiment une dans le cas de Mgła. Si j’étais curieux de voir les Polonais se produire sur scène, je ne peux pas dire que j’en attendais grand chose. Cette ultime prestation ne viendra absolument pas ternir une journée quasi-parfaite jusqu’alors. La voix enrouée et le corps endolori par le show inoubliable d’Urgehal, il est temps de rentrer et de reprendre des forces avant de revenir, ce dimanche, pour un troisième et dernier acte de réjouissances.

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