Dungeon synth et tours d’ivoire

by Secluded Copyist

Qu’elle soit en bois, en pierre, en ruines, intacte, inspirant la solitude ou la sécurité, la tour est bien plus qu’un édifice dans l’imagerie générale du dungeon synth. Malgré les châteaux, les grottes, les cryptes et les donjons, la tour est le seul édifice présent en masse dans le genre musical à en être le symbole plus que tout autre. Mine de rien, elle rassemble à elle seule la quasi-totalité des aspects du dungeon synth, qu’ils soient picturaux ou musicaux, ce qui fait d’elle la véritable incarnation physique du genre. Le donjon est toujours au coeur des débats, mais c’est bel et bien la tour qui représente le mieux ce qu’est le dungeon synth…

Quel est le point commun entre Old Tower, Blood Tower et Mystic Towers ? Voilà, vous avez trouvé. La tour est pour ainsi dire présente partout, ou en tout cas très souvent et chez de très nombreux projets, aussi bien visuellement, sur de (très) nombreuses pochettes (vous pouvez d’ailleurs retrouver une sélection en fin d’article), que dans les thématiques. On peut citer à titre d’exemple les albums The Tower de Celebdil, Tower of Darkness de Jim Kirkwood, ou encore The Tyrant’s Tower de Einhorn. Tous ces albums arborent également une tour sur leur pochette respective, est-il nécessaire de le souligner.

Consciemment ou non, beaucoup d’artistes utilisent ainsi l’édifice dans le cadre de leur travail, et il y a bien entendu une raison à cela. On remarque déjà que peu importe le « courant » dungeon synth des différents protagonistes concernés, la donne demeure la même. Que l’on ait affaire à quelque chose de très traditionnel, comme chez Bitter Old Wizard, ou au contraire à quelque chose de très folk ambient, comme chez DIM, la tour reste quelque chose qui incarne réellement quelque chose. C’est l’expression adéquate, la tour incarne quelque chose, par sa situation et par ce qu’elle inspire lorsqu’on l’admire.

La tour est quelque chose de très cliché au sein du dungeon synth, mais qu’y a-t-il de plus parlant qu’un cliché ? Allez donc développer le concept de la tour à un novice en termes de dungeon synth, et il saisira de suite de quoi est fait le genre, au moins dans les grandes lignes. En premier lieu, lorsque l’on pense à une tour de garde, c’est évidemment tout le côté passéiste qui ressort. Ça n’est un secret pour personne, le dungeon synth s’inspire énormément, pour ne pas dire exclusivement, de la période médiévale (historique ou fantastique), et mis à part le château, la tour est un édifice qui incarne cette période avec beaucoup de facilité. Une tour qui naît sur une pochette, c’est déjà une indication sur la teneur de la musique qui va suivre.

Mais là où la symbolique est poussée un peu plus loin, c’est lorsque l’on s’attache à dégager l’aspect d’isolement qui émane de l’édifice. Le dungeon synth est aussi un genre musical qui pousse ou inspire à une certaine réclusion, à un repli sur soi-même. Il s’agit d’ailleurs parfois de la meilleure façon d’en apprécier le contenu. Allez écouter Hedge Wizard en pleine forêt ou dans une grotte sombre et vous verrez si c’est la même chose que de l’écouter dans le métro ou dans une salle de sport. L’introspection, qui se mue parfois même en une forme de misanthropie est parfaitement incarnée par la tour de garde qui se dresse seule, parfois même avec défiance, au milieu d’une plaine ou à la lisière d’une forêt.

C’est à ce moment-là que l’on peut mettre le propos en corrélation avec l’expression de la tour d’ivoire, qui renvoie à la retraite, l’isolement, ou tout simplement l’absence de contact ou d’engagement. Sainte-Beuve, qui fut sans doute le premier à utiliser l’expression dans son sens contemporain, n’aurait sans doute pas pu prédire une telle utilisation de nos jours, toujours est-il qu’il est difficile de faire l’impasse là-dessus lorsqu’il s’agit de traiter de dungeon synth.

Parfois, la tour représente également quelque chose de foncièrement sombre. Un tel édifice qui s’élève ainsi dans la brume ou dans la nuit a souvent une effrayante allure monolithique. On distingue sa porte ou le trou béant qui permet d’y entrer avec une pointe d’appréhension. Qu’y a-t-il à l’intérieur ? Quel obscure créature ou sombre magicien y a élu domicile ? La tour c’est aussi cela, l’inconnu, le frisson de l’aventure, la découverte. En somme, la tour c’est tout. Tout ce que le dungeon synth contient, l’édifice médiéval le cristallise à merveille et offre de nouvelles perspectives pour vivre la musique autrement.

Puisse ce bref article vous avoir offert les clés pour mieux comprendre le dungeon synth et son imagerie. La tour est indubitablement l’un des éléments picturaux et thématiques les plus parlants du genre. Elle se dresse à l’horizon comme le porte-bannière de tout un pan de la scène dungeon synth, si ce n’est le dungeon synth dans son entièreté. Ce dernier aurait très bien pu s’appeler tower synth que personne n’aurait rien eu à redire, tant l’influence de la tour sur ce genre de musique est grande…

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