- Article initialement publié sur Heiðnir Webzine
- Autriche
- Black Metal
- Indépendant
- 23 avril 2016
Au mois d’avril, le quatuor autrichien Svarta nous a gratifié d’un troisième album studio, Lethargie, qui faisait ainsi suite à Abgrundschreiben. Dans un style black intrigant mais toujours aussi efficace, la formation originaire de Regau ajoute une nouvelle pierre à l’édifice de plus en plus impressionnant qui représente leur vécu sur la scène black metal. À ce titre, Lethargie peut tout à fait faire office d’album charnière au sein d’une carrière grandissante et qui ne cesse de nous surprendre.
Si nous devions classer Svarta dans un sous-genre black en particulier, la tâche ne serait pas aisée, loin de là. Les influences sont multiples au sein d’une musique qui prend un malin plaisir à nous balader d’émotion en émotion sans jamais trouver un point d’ancrage fixe, et cela doit être vu comme une force non négligeable au moment d’évaluer la richesse du travail fourni. Grâce à un rythme lent et des sonorités qui passent aisément de la frénésie à la mélancolie, Svarta a produit un album toujours plus surprenant au fil de l’écoute et qui est riche de multiples facettes, toutes plus colorées les unes des autres. L’album démarre sur un « Wahntraum » de très bonne qualité, et ce titre est l’occasion pour nous de mettre le doigt sur l’une des spécificités de la musique de Svarta, le travail effectué par la batterie.
Dans la grande majorité des formations black, et metal en général, la batterie constitue un instrument rythmique qui n’est, la plupart du temps, malheureusement rien de plus qu’un instrument de fond. Sa présence est indispensable, entendons-nous bien là dessus, mais peu nombreux sont les groupes lui accordant une importance toute particulière. C’est pourtant le cas de Svarta. Sur « Wahntraum », dès l’introduction, nous constatons que le groupe souhaite faire de la batterie un instrument de premier plan au sein de l’album, et cela se vérifiera sur la quasi-totalité de Lethargie. Tout l’intérêt réside justement dans les variations de rythmes, qui confèrent de suite à l’album un aspect plus recherché. En outre, les chants déchirants sont du plus bel effet pour étoffer une musique naturellement froide et méditative. Il en va de même pour les chants clairs ou parlés, qui, même s’ils peuvent paraître superflus initialement, apportent leur lot de variété à une musique décidément très réussie.
C’est un point que l’on évoque, à mon sens, trop rarement en ce qui concerne le black metal, à savoir, celui de la langue utilisée par le groupe vis à vis des paroles. Je ne pense pas être le seul à le penser, les langues germaniques, scandinaves, et, dans une moindre mesure, finno-ougriennes, sont celles qui se marient le mieux à un style musical qu’elles étoffent avec perfection et justesse. C’est d’autant plus vrai pour Svarta, la langue allemande, couplée à des chants très éraillés, est sans doute l’un des points incontournables de cet excellent album. Svarta est loin d’être le seul groupe à utiliser l’allemand, mais il fait sans doute partie de ceux qui l’utilisent le mieux. Comme évoqué précédemment, vous serez baladés d’émotion en émotion à l’écoute de Lethargie, chacune étant plus surprenante que la précédente.
Il est ainsi assez drolatique de passer de la rage à la langueur, de la tristesse à la contemplation, et même de la colère à la beauté. Lethargie inspire autant de valeurs et de sentiments que le black est capable de produire. Pourtant, cet album demeure très facile d’accès et je ne saurais poursuivre cet éloge sans littéralement vous obliger à vous imprégner de sa musique, tant cette dernière réveillera en vous des émotions jusqu’alors profondément enfouie. Sans tomber dans la systématisation, la musique de Svarta se montre, à certains égards, assez méthodique, dans la mesure où chaque note et chaque parole semblent faire partie d’une mécanique générale inébranlable. Cette dernière fait état du travail acharné dont ont fait preuve les autrichiens, et cela ne peut être que de bonne augure pour la suite d’une carrière déjà exceptionnelle.
Lethargie fait partie de ces albums qui semblent avoir été taillés par la rectitude même, tant sa perspective à nous transporter à travers un immuable voyage émotionnel est impressionnante. Les membres du groupe ne sont jamais dans l’excès au moment de jouer leur part du travail, et cela nous procure des sensations poussées à l’extrême. Svarta rentre peu à peu dans la cour des grands grâce à un album qui effleure le titre de chef d’oeuvre.