Aura Merlin – Illuminations

by Secluded Copyist

Compte tenu de nos liens étroits avec sa scène, il est fréquent que nous mettions particulièrement à l’honneur le dungeon synth français, riche ces temps-ci d’une effervescence retrouvée. La scène française entretient cependant, en raison de sa proximité linguistique, une espèce de petite attache avec une autre scène, bien moins fournie, celle du Québec. Ces derniers mois, la province francophone du Canada a vu naître un projet au talent certain, du fait d’une artiste dont la tête fourmille vraisemblablement d’idées nouvelles. Ce projet, en l’occurrence Aura Merlin, n’a pas manqué son arrivée sur les planches, loin s’en faut.

Déjà au moins d’août, le projet Aura Merlin avait fait parler de lui au moment où a vu le jour sa toute première sortie, 3 Swords. Révélant un goût pour les sonorités orchestrales et la mise en place d’atmosphères à la fois sombres et enchanteresses, l’artiste avait fait naître une curiosité certaine. Quelques mois plus tard, quelques jours seulement avant que le printemps ne fasse officiellement son apparition dans nos contrées, Aura Merlin offrait à ses suiveurs de quoi accueillir les beaux jours avec mysticisme et sérénité. Illuminations était révélé le 18 mars dernier, embarquant avec lui pléthore de mélodies envoûtantes et d’ambiances touchantes.

En premier lieu, il serait criminel de ne pas avoir quelques mots pour la pochette absolument exceptionnelle qui illustre la deuxième sortie du projet québécois. Œuvre de l’artiste elle aussi québécoise Lizbeth Poirier, ces enluminures sont une véritable invitation au voyage, à la découverte d’un univers aussi riche qu’énigmatique. Sur le plan technique, ça force déjà le respect, mais l’on se surprend de surcroît à explorer les moindres recoins d’un artwork éblouissant qui donne une dimension nouvelle au contenu musical d’Illuminations. Ne cherchez plus la plus belle pochette de l’année, elle se trouve devant vos yeux ébahis.

La musique, désormais. Aura Merlin semble verser dans le dungeon synth à net penchant folk et orchestral, comme en témoignent les mélodies cristallines qui donnent corps au premier titre, « The Forgotten Dwelling ». Si ce titre ressemble fortement à tout ce qui se fait habituellement dans cette branche du dungeon synth, il a le mérite de parfaitement introduire ce qui suit, en l’occurrence le titre éponyme. Et là, c’est une tout autre magie qui opère. « Illuminations » fait perdurer les considérations champêtres que l’on pouvait entendre et apprécier sur le titre précédent, mais en ajoutant à l’ensemble une dimension infiniment plus profonde par le biais des sonorités électroniques qui enrichissent l’arrière-plan. New age, ambient minimaliste, difficile de les qualifier avec exactitude. Ce dont on est sûr en revanche, c’est que la richesse qui résulte de cet assemblage n’a que peu d’égal dans le dungeon synth.

De façon générale, Aura Merlin accède à une forme d’excellence grâce à l’union de ces deux forces musicales, à savoir les sonorités ambient éthérées et les mélodies orchestrales plus légères. Faisant directement suite à « Illuminations », « Castle Gardens » est riche de cette même dimension ouvertement touchante qui résonne sans doute sans mal en chacun. Soulignons par ailleurs la qualité générale de la rythmique, qui cadence chacun des titres de façon admirable, sans prendre le pas sur le reste des sonorités. Au son de ces mélodies simples mais poignantes, une seule chose compte, s’abandonner aux langueurs exquises d’un paysage sonore fait de jardins florissants, de forêts secrètes et de châteaux resplendissants. En somme, ce que le dungeon synth a de plus beau à offrir.

Un autre titre brille par son contenu, « The Doctrine of Signatures » — du nom d’une théorie ayant vu le jour au cours de l’Antiquité et selon laquelle l’apparence des végétaux, entre autres, est censée renseigner sur leurs propriétés médicinales et thérapeutiques. De nouveau, y a-t-il plus dungeon synth que cela ? Ses mélodies sont elles aussi réhaussées à l’aide de plages de clavier profondes et impénétrables. Notons également le développement cette sonorité répétitive et enivrante en arrière-plan, qui donne encore plus d’épaisseur à l’ensemble. Chaque titre est une expérience à sa façon, alors que dire de ce que représente Illuminations dans son entièreté ?

Les mots viennent inévitablement à manquer. Illuminations est un album à écouter encore et encore, jusqu’à l’ivresse d’une part, mais également de manière à en déceler tous les détails, et Dieu qu’il en est doté. Aura Merlin a accouché d’un album à la qualité rare et qui fera sans doute date. D’ailleurs, espérons que l’artiste se voie donner la possibilité de voir son album être produit au format physique. Il se murmure que les compères d’Ancient King Records tablent déjà sur une édition cassette… Si vous avez du mal à suivre le rythme imposé par les artistes de dungeon synth, vous avez au moins l’occasion, avec Illuminations, de découvrir l’un des albums les plus aboutis de l’année. Rarement un album aura aussi bien porté son nom.

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