Forlorn Kingdom – Northern Spirits Call From Afar

by Secluded Copyist

Curieusement, l’année 2020 me semblait jusqu’alors relativement pauvre en dungeon synth traditionnel de poids. Très solides dans leur registre, Umbría et Fogweaver ont donné naissance à d’excellents albums, mais force est de constater que leurs styles respectifs se situent un peu loin de ce que l’on entend par dungeon synth traditionnel. Ceci étant, le label américain Dungeon Deep Records (qui vient prospecter dans le old school, une fois n’est pas coutume) a récemment annoncé la sortie au format cassette de Northern Spirits Call From Afar, la quatrième sortie du projet italien Forlorn Kingdom. Suffisait-il donc simplement d’être patient ?

Un bon album de dungeon synth, qu’est-ce que c’est au fond ? Une atmosphère recherchée ? Des mélodies qui restent en tête ? Une identité graphique frappante ? Probablement ces trois choses à la fois, mais on penche plutôt pour la seconde option, surtout dans le cas de Northern Spirits Call From Afar. À la manière de ce que Fogweaver, encore lui, avait pu faire sur son album éponyme, c’est dès l’introduction du premier titre que la magie opère auprès de l’auditeur. Six minutes durant, la même mélodie se consume lentement, bientôt rejointe par une seconde, puis une troisième, et c’est tout. Pourquoi faire plus ? Ce premier titre, en l’occurrence « Journey to the Darkened Empire », résume à lui seul ce pourquoi l’album de Forlorn Kingdom est doté d’un charme hors du commun.

Northern Spirits Call From Afar sent la réclusion, la poussière et l’isolement (amusant compte tenu de la situation actuelle). Il fleure le vieux clavier sorti du grenier pour pianoter sur quelques touches d’un air nostalgique. Couplées à des sonorités old school, les mélodies répétitives et lancinantes font apparaître la pierre séculaire de quelque tour abandonnée, bien aidées, il faut le dire, par la durée à rallonge de la majorité des titres de l’album. À défaut de se montrer puissamment mélancolique (quoique), Northern Spirits Call From Afar a le mérite de jouer sur l’accumulation de mélodies lentes et moroses pour donner corps à l’atmosphère très dépaysante que l’artiste est parvenu à construire. Le titre « Howling Winds » en est d’ailleurs l’exemple le plus vibrant. Ce qui compte ici, c’est ce que la musique évoque, ce qu’elle fait naître, les images qu’elle transmet. À ce titre, l’album de Forlorn Kingdom est très frappant.

Le caractère répétitif pourra bien évidemment lasser, on pense notamment à la doublette « Winter Mysticism » – « Over the Mountains, Into the Frost… », qui affiche tout de même près de vingt minutes de mélodies finalement assez semblables. On est loin des albums variés et sautillants qui bourgeonnent à intervalle régulier sur BandCamp, mais le fait de creuser ce Northern Spirits Call From Afar en faisant fi de sa linéarité permet d’accéder à l’évasion la plus pure qu’il est capable de proposer. L’album sait d’ailleurs se montrer lumineux, comme en témoigne « Beyond Astral Glares », dont les mélodies et les percussions (présentes sur ce titre uniquement) tranchent beaucoup avec la soupe maussade servie jusqu’alors, comme pour terminer l’écoute sur des notes bien plus positives.

Si Forlorn Kingdom était jusqu’à maintenant un projet de dungeon synth respectable, il vient probablement de passer dans la catégorie supérieure avec la sortie de Northern Spirits Call From Afar. Produit au format cassette par un label important, en l’occurrence Dungeons Deep Records, l’album va obtenir un succès tout à fait mérité et fait déjà office d’excellente surprise de l’année, du moins pour ce qui est de la branche traditionnelle du dungeon synth. On en redemande.

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