- Article initialement publié sur le Repère des Reclus
- France
- Dungeon Synth Orchestral
- Indépendant
- 21 août 2021
Si le dungeon synth ne gît pas encore au fond de son caveau humide – faisant fi des diagnostics alarmistes qu’on réalise à son sujet depuis maintenant dix ans –, il le doit essentiellement à toute une pelletée d’artistes qui s’octroient la liberté de s’abriter sous sa bannière, bien que leur musique ne soit pas du dungeon synth stricto sensu. Bien qu’il soit légitime et tentant de s’offusquer de la démarche de certains, il convient de reconnaître à d’autres un travail certain quant à la genèse et à la richesse de leur univers musical. Quiet Human est de ceux-là, et même si son style orchestral peut déstabiliser au premier abord, la finalité est quant à elle conforme à ce que l’on attend d’un album de dungeon synth.
Balrog, Fief, Necrocachot et Uruk-Hai sont autant de projets aux sonorités orchestrales – bien qu’à des degrés différents – dont la musique force l’admiration. Il est vrai que ce choix offre des possibilités autrement plus importantes pour capter l’attention de son auditoire. Cette dimension architecturale, Quiet Human l’a très bien comprise, comme en témoigne l’imposante introduction qu’il confère à son premier album, Noir Chatoiement. Dès la « Genèse », on comprend que l’on s’aventure en quelque sentier caché débouchant sur un paysage à couper le souffle. On ressent dès lors les tons chauds qui émanent de la pochette et l’on s’imagine aisément parcourir les chemins taillés dans la roche.
Ne vous attendez pas à trouver chez Quiet Human des titres aux spécificités très marquées et riches en mélodies accrocheuses. On est plutôt face à une fresque de près de trois quarts d’heure qui conte une histoire et qui invite l’auditeur à en imaginer les lieux et les personnages. Cette grande liberté d’interprétation, en quelque sorte, fait justement écho à ce qui me semble primordial en matière de dungeon synth. En donnant trop d’informations, trop de mélodies et en livrant des titres trop fouillis, on altère dangereusement le pouvoir d’évasion de la musique. Chez Quiet Human, l’ensemble est suffisamment décharné – sans que la qualité globale s’en ressente, au contraire – pour donner carte blanche au premier voyageur venu. En clair, Noir Chatoiement ne déclame pas, il susurre et suggère.
Il apparaît ainsi délicat de sortir un ou deux titres de l’ensemble, chacun occupe en effet une place importante dans la manière de raconter le récit. Tout juste pourra-t-on citer la puissance tranquille de « Rêverie d’une nuit étoilée », sa longueur – près de dix minutes – n’étant évidemment pas étrangère à son pouvoir de dépaysement. À l’inverse, le rôle de certains titres paraît flou et ceux-ci ne semblent pas prétendre à mieux qu’à un simple colmatage, citons ainsi « Dernier râle d’un ami ». Musique orchestrale oblige, le registre épique n’est pas laissé de côté. « La Marche des héros victorieux » et surtout l’excellent « Au cœur de la bataille » viennent apporter le frisson du fer et du sang. Finalement, Noir Chatoiement a tout ce qu’il faut pour votre prochaine « rêverie d’une nuit étoilée ».
Qu’il est agréable de pouvoir se perdre dans ses pensées lorsque la musique offre un théâtre aussi riche en possibilités ! Quiet Human livre un premier album d’une rare justesse et sans se sentir obligé de sortir tout l’orchestre philharmonique – détail qui devrait déjà, à lui seul, lui valoir tous les honneurs. La scène dungeon synth française est décidément pleine de ressources et parvient toujours à arracher un sourire plein de surprise et d’admiration à ses suiveurs. Quant à Quiet Human, c’est une première expérience très réussie, et l’on espère une fortune en tous points similaire à l’occasion de la prochaine sortie. Il se murmure déjà qu’un split serait dans les cartons, on a hâte de voir le résultat.