Sylfvr – The Tower

by Secluded Copyist

Rien à faire, 2020 est un cru qui me laisse dangereusement sur ma faim en matière de dungeon synth, sans doute la faute au net virage folkisant pris par la communauté ces derniers mois. Ainsi, peut-être le salut viendra-t-il du mariage — risqué mais parfois couronné de succès — entre le dungeon synth et l’ambient. Nos pérégrinations nous amènent à ce titre à considérer la première sortie de Sylfvr ; particulièrement inclassable, mais dont la qualité ne fait aucun doute. Grâce à un mélange inhabituel et audacieux, et bien que l’on s’éloigne parfois nettement du dungeon synth, l’artiste français n’a pas ménagé ses efforts pour donner une saveur particulière à son premier ouvrage.

Malgré la qualité indéniable de la photographie illustrant le premier EP du projet bordelais, il nous est difficile de la lier avec le genre très codifié sur le plan thématique qu’est le dungeon synth. Mais que voulez-vous, un EP s’intitulant The Tower ne peut qu’être un fier porte-bannière du genre musical. Plus sérieusement, cette première sortie ne s’adresse a priori pas aux indéfectibles amoureux des vieux claviers ronronnant, et pourtant, le charme qui se dégage de ses quatre longs titres a énormément d’atouts à faire valoir auprès des esprits les plus puristes. The Tower, c’est avant tout une atmosphère. Avant de parler de mélodies, de percussions, de voix, l’EP se distingue dès les premières secondes de « A Forest » par l’extrême légèreté et le dépaysement qu’il propose à son auditoire.

Cette ambiance enchanteresse et envoûtante s’installe avec beaucoup de facilité, si bien que la progression dans ce premier titre — puis dans l’EP entier — s’effectue avec une espèce d’émerveillement innocent, un peu comme au cœur d’une forêt millénaire. Il convient malgré tout de souligner le caractère épuré et très cinématographique du style de Sylfvr, c’est notamment la raison pour laquelle le dungeon synth est une étiquette discutable. La production se veut très propre et les sonorités utilisées se rapprochent bien plus d’un ambient vaporeux et confortable au possible. Ceci étant, malgré mon habituelle réticence à me nourrir de tels travaux, le voyage est absolument enivrant. L’artiste sait assurément s’y prendre, on croit d’ailleurs entendre Lustre sur le second titre de l’EP, « The Door Lies Beyond ». Des percussions aux mélodies à la flûte, tout sonne très juste et contribue à rendre l’ensemble agréable et doux, presque moelleux.

Cependant, si l’on veut se montrer tatillon, la trop grande place laissée aux voix sur « In the Thick of the Mist » interpelle quelque peu. Que l’on parle des grognements ou des chants incantatoires — quand bien même ils ne seraient présents que sur une petite partie du titre —, les choix paraissent douteux, tant et si bien que ces voix atténuent le pouvoir évocateur du titre, pourtant construit sur le même modèle que les titres précédents, avec le résultat que l’on sait. Les choses s’accélèrent grandement sur le titre final « Thou Shalt », qui se montre pour le coup un peu plus conforme à ce que l’on attend d’un titre conventionnel de dungeon synth. Les mélodies, plus rapides et soutenues par des percussions rythmées, donnent corps à une conclusion bien plus colorée et enjouée. La transition est un peu brutale, mais de nouveau, le résultat est grandement satisfaisant.

Pendant une poignée d’années jusqu’au printemps 2018, la scène dungeon synth française se démarquait par une grande activité, et cette vitalité s’est quelque peu perdue depuis. À ce titre, il est d’autant plus agréable de constater que l’hexagone est toujours capable de révéler des artistes extrêmement prometteurs en matière de dungeon synth. Sylfvr frappe ainsi très fort avec une première sortie qui brille par son climat comme par ses mélodies. On espère de tout cœur que The Tower ne restera pas fils unique, son géniteur a manifestement le potentiel pour livrer quelque chose d’encore plus impressionnant.

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