Immateriæ – Leere

by Secluded Copyist

Les thématiques propres au dungeon synth (ou du moins celles qui devraient l’être exclusivement), tout le monde ou presque les connait. Les atmosphères médiévales, les châteaux-forts, les univers de fantasy, la religion chrétienne et j’en passe. Ceci étant, on tombe parfois sur de menues incongruités, telles que des projets de dungeon synth post-apocalyptique (oui, je vous assure). Le projet espagnol en présence, Immateriæ, vient de sortir Leere, sa première démo. Au premier abord, l’étiquette dungeon synth spatial pourrait rebuter, et à juste titre. Néanmoins, ce serait rater un incroyable moment musical que de passer son chemin sans lui donner une chance de s’exprimer.

À moins que l’on s’attache particulièrement à l’aspect de la pochette, qui prend la forme d’un beau feuillet de cassette, difficile de s’apercevoir, en tout cas au premier abord, qu’Immateriæ entend dépeindre les velléités de l’espace cosmique. En effet, Leere s’ouvre sur un “Through Dark Matters and Misty Thoughts” qui se montre finalement assez léger et chantant. Les sonorités au clavier sont vibrantes et très agréables, et c’est peut-être la seule chose qui pourrait nous ramener à quoi que ce soit de noir avec ce titre. Tout au long de ce dernier, une mélodie est tissée (très) lentement pour finalement offrir à l’auditeur quelque chose de cristallin et d’un brin gothique. Particulièrement plaisant me direz-vous, mais où sont les astres et les comètes ?

Justement, cet aspect de la musique d’Immateriæ est davantage exploité dans le second titre, “Awakening of the Psyché”. Les sonorités se montrent cette fois plus enveloppantes, voire drone à certains égards, mais à nouveau, le climat est chaud, chaleureux même. D’aucuns croiraient avoir dans les oreilles un dungeon synth tout à fait conventionnel par ses thématiques, à ceci près que ce même dungeon synth parle de tout ce qui se trouve au dessus de notre tête. Vers la fin du titre, qui se montre d’ailleurs tout bonnement excellent, même lorsque l’ambiance se montre bien plus aérienne et cosmique (pour le coup on peut le dire), on se sent dorloté et rassuré, comme si cet espace-là n’avait finalement rien de bien effrayant.

Histoire d’utiliser un exemple qui sera peut-être parlant pour certains d’entre vous, on est ici bien plus proche d’un No Man’s Sky que d’un Elite Dangerous ou d’un Mass Effect. Aucun problème avec ça d’ailleurs, on a tellement l’habitude, notamment avec le black metal et le space ambient, d’avoir droit à des fresques terrifiantes faites de l’espace qu’on en oublie qu’elle peut aussi être une source de fascination ou de réconfort tout à fait enchanteurs pour bon nombre d’artistes. Après un formidable “Reaching Beyond to the Old Sites”, la démo se clôt sur “Distant Stars In Elder Memory”, moins bon et pas au même niveau de dépaysement que ses prédécesseurs. Mais rien qu’avec les trois premiers titres, Immateriæ a déjà livré l’une des plus belles surprises de cette année 2019…

Le puriste que je suis a appris une belle leçon. D’abord réticent à l’idée de faire connaissance avec un dungeon synth spatial, je me dois de m’incliner devant le dépaysement fabuleux qu’offre Leere à ses auditeurs. Immateriæ a utilisé la même recette que bon nombre de projets de dungeon synth old school, mais avec un résultat qui force tout simplement le respect. Je ne considérerai sans doute jamais ce genre de musique comme étant du dungeon synth à part entière, la faute à des thématiques trop éloignées de la tradition, mais les artistes savent en tout cas comment me donner tort.

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