Morketsvind – The Journey

by Secluded Copyist

Au risque de passer une nouvelle fois pour l’insatisfait de service, il m’est difficile de trouver chaussure à mon pied en matière de dungeon synth depuis le début de l’année, et ce alors que la crise sanitaire aurait dû pousser les artistes en herbe à y aller de leur petite démo personnelle. Ceci étant, le mois de juin a livré au moins une sortie de choix. Cador de la scène dungeon synth russe malgré un faible nombre de sorties de qualité, le projet Morketsvind — parfois écrit Mørketsvind, sans que l’on sache réellement quelle orthographe prévaut — a sorti à la fin du mois son dernier album longue-durée, The Journey, solidement composé de dix titres. Au programme, un dungeon synth très axé « grosse production » et aux relents épiques très marqués, le tout remué à la sauce médiévale, et parfois gothique. En somme, un ensemble très intrigant.

Malgré une discographie jonchée de sorties mineures sans grand intérêt — à force, vous savez ce que je pense de l’utilisation du piano pour faire du dungeon synth —, Morketsvind jouit d’une réputation honorable tout à fait justifiée, et ce grâce à son très bon Wandering to Nether World, sorti il y a bientôt quatre ans. L’artiste, apparemment actif depuis le début des années 90 — la première sortie de Morketsvind date néanmoins de 2005 —, a remis le couvert et s’est décidé à sortir un album du même acabit que son plus gros succès. Ainsi paraît The Journey. Et autant le dire d’emblée, si vous aviez aimé Wandering to Nether World, il ne devrait pas en être autrement, tant l’artiste a su mettre à profit les ingrédients de son premier ouvrage pour mener à bien le dernier né.

Connu et reconnu pour son utilisation d’un très large panel de cuivres, Morketsvind ne déroge pas à sa réputation, et ce sont effectivement ces instruments qui donnent corps à The Journey. Le côté très épique, grandiose — voire grandiloquent — de la musique du projet russe est parfaitement exploité. Notez d’ailleurs qu’il ne s’agit en aucun cas d’une mauvaise chose ; même si certains titres en abusent effectivement, la perspective d’avoir dans les oreilles un album de dungeon synth qui fait globalement bon usage des sonorités majestueuses est suffisamment rare pour être soulignée. Ceci étant, quelques curiosités absentes ou peu présentes dans la musique du projet jusqu’alors font leur apparition en grande pompe, je veux bien évidemment parler de l’omniprésence de l’orgue et du clavecin sur l’album.

Cet ajout n’est pas sans rappeler le style d’un certain Splendorius sur le sensationnel Moernvar, et parfois celui d’Utred. Deux compagnons de la scène russe, ça par exemple. Morketsvind ne s’aventure que peu sur le terrain de la polyphonie, ou du moins de manière prudente, et c’est très bien ainsi. Sa musique étant déjà très riche sur le plan technique, le fait de ne faire se développer qu’une mélodie à la fois sur la majorité de l’album permet de ne pas surcharger l’ensemble. Nul n’est besoin de trop densifier l’album, qui se montre tout à fait juste avec le contenu qui est le sien. Malgré une remarquable homogénéité — le manque de variété peut d’ailleurs lasser —, quelques titres ressortent, à commencer par le titre éponyme et par « Bloodthirst Journey », peut-être plus enchanteurs que les autres.

En revanche, malgré mon affection pour la langue russe, les quelques paroles présentes sur l’ultime titre de l’album — récitées par PalSanych — viennent briser un effet intemporel jusqu’alors très cohérent. Un peu dommage. Quant à la pochette, elle se montre un peu terne au regard du caractère musical extrêmement massif de The Journey, si bien que l’on éprouve quelques difficultés à s’y évader. Quelque chose de moins générique et impersonnel aurait été bien plus marquant pour illustrer un style aussi puissant que celui de Morketsvind. À l’arrivée, même si The Journey est un album de qualité, il lui manque probablement une chose ou deux pour se hisser au niveau de l’excellentissime Wandering to Nether World. Ceci étant, au coeur d’une année très calme en matière de dungeon synth, le dernier né de Morketsvind a les atouts nécessaires pour se hisser à la table des albums qui comptent.

Pour aimer Morketsvind, il faut aimer les cuivres, ce qui est imposant, ce qui dégage de la grandeur, et ce dernier album confirme l’appétence de l’artiste pour cette branche souvent pompeuse du dungeon synth. Si The Journey n’a pas le charme intimiste d’une démo très confidentielle, il faut lui reconnaître un certain nombre d’atouts, et l’album sera à coup sûr de ceux qui feront parler d’eux au cours de l’été.

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