Fief – V

by Secluded Copyist

Qui dit fin d’année dit nouvel album de Fief. Arrivé au mois de novembre, on commence à se demander quand la nouvelle offrande de l’artiste américain verra le jour, lui qui a l’appréciable présence d’esprit de rester dans l’ombre et de ne pas communiquer de manière outrancière. L’année dernière, IV avait quelque peu déçu son auditoire par sa saveur un peu trop réchauffée, et son côté grandiloquent creusait davantage le fossé qui sépare les deux premiers albums des deux suivants. Cependant, avec V, Fief semble renouer avec ce qui a fait le succès de ses deux premiers albums, et ainsi opérer un retour aux sources extrêmement satisfaisant.

Ce n’était probablement pas l’avis de tout le monde, mais le dernier album de Fief n’avait pas la même saveur que les autres. Divers reproches pouvaient lui être faits, comme la baisse toujours plus importante de son caractère intimiste ou la dimension très recyclée de certains de ses titres. Fief fait partie de ses projets qui ont des gimmicks de composition relativement peu variés, mais qui parviennent généralement à noyer cela dans des mélodies polyphoniques de grande qualité. Ce n’était pas le cas sur IV (ou pas assez), mais c’est à nouveau le cas sur V. Oui, car quelle ne fut pas la surprise, au moment de s’attaquer à ce nouvel album, de se trouver face à ce qui a bâti la légende du projet américain.

Si Fief est aujourd’hui l’un des projets les plus aimés et les plus attendus de la communauté dungeon synth, c’est sans doute grâce à ses deux (voire trois) premiers albums, véritables hymnes de dungeon synth à caractère folk et champêtre, un sous-genre (si tant est que le dungeon synth ait des sous-genres) pourtant plein à craquer de projets divers qui rivalisent de créativité pour se tailler la part du lion. Bien évidemment, on peut se questionner sur l’appartenance du projet américain au dungeon synth stricto sensu, mais on ne peut remettre en question le travail qu’il a effectué sur ses premiers albums. Et aujourd’hui, trois ans après la sortie de son deuxième album, peut-être met-on à nouveau le doigt sur la patte fiefesque des origines.

Pour simplifier, le dungeon synth qui a vocation à faire voyager avec la plus agréable des légèreté peut vite tourner à l’inutilement théâtral. C’est ce que l’on peut voir chez DIM par exemple, et donc sur le quatrième album de Fief. C’est d’autant plus dommageable que la force du projet américain résidait dans le pouvoir intimiste de sa musique. En somme, il en faisait beaucoup sans trop en faire, et ce juste milieu manquait beaucoup. Ceci étant, on le retrouve enfin. Dès le titre introductif de ce nouvel album, “The Road Through Town”, l’auditeur est transporté au coeur d’une agréable bourgade de quelque univers de medieval fantasy au son enjoué mais délicat des flûtes, des tambourins et des guitares. Il n’en fallait pas plus.

L’utilisation de tout un panel d’instruments à vent n’y est pas étranger, eux qui étaient curieusement absents (ou juste mis au second plan) du dernier album. Les différences que l’on peut lister entre ces deux albums sont finalement moindres, mais elles suffisent à faire de V une sortie autrement plus frappante et marquante que son prédécesseur. J’en veux pour preuve les mélodies qui restent en tête de longues heures, ce ne m’était personnellement plus arrivé depuis le deuxième album. Si cela n’a pas grand chose à voir avec lesdites mélodies, c’est en tout cas suffisamment parlant pour se faire une idée de ce que l’artiste a produit cette année.

Mais plus que tout, Fief a réussi à remettre le doigt sur l’ambiance d’un autre temps qui faisait sa force. Au-delà de la polyphonie se trouve quelque chose d’autrement plus important sur cet album, le dépaysement. Si l’on écoute Fief, c’est aussi et surtout pour être transporté par la dimension on ne peut plus rêveuse de sa musique, et il n’y a qu’à se perdre au milieu de “Citadel Streets” ou de “On Bardic Journeys” pour en faire la douce expérience. Plus picturale que jamais, la musique de l’artiste américain fait voyager son auditoire de la plus belle des manières. Voilà le Fief qu’on aime.

Plus onirique, plus intimiste et, surtout, plus passéiste, Fief signe un retour remarquable avec la sortie de son cinquième album. On en attendait beaucoup du projet américain après la déception relative engendrée par la sortie de son dernier album, on a été plus que servi. Tout ce qui faisait la force de Fief est présent sur V, et il s’agit probablement là de l’une des sorties de l’année en matière de dungeon synth.

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