- Article initialement publié sur Heiðnir Webzine
- Suède
- DSBM
- Indépendant
- 21 juin 2016
On ne présente plus Deadlife, le projet solo du suédois Rafn, qui, en l’espace de six ans, a réussi à se faire une place de choix parmi les projets intéressants du DSBM. Deadlife est revenu sur le devant de la scène au mois de juin avec la sortie de Porphyria, un nouvel album accueilli à bras ouverts par la communauté black.
Les adeptes de la musique de Rafn le savent, le suédois nous a habitués à nous gratifier d’un ratio d’au moins deux sorties par an ces dernières années. En effet, la sortie de Porphyria intervient moins d’un an après celle de My Last Letter, et au sein de cette même période, un EP et un single ont vu le jour. Rien que ça. On pourrait croire que la quantité de musique sortie en mette un coup à la qualité de chaque production, mais il n’en est rien. Rafn arrive encore à nous surprendre alors que l’on s’attend toujours à se trouver face à l’album de trop. Il faut croire que, chez lui, les idées fusent, et nous n’allons pas nous en plaindre.
À l’image du black metal en lui même, la scène depressive black est très vaste, on tombe donc facilement sur tout et n’importe quoi. De même, il est vite arrivé de s’éloigner de sa ligne de conduite initiale. Malgré tout, Deadlife a toujours réussi à produire sa musique dans la même veine de depressive black finalement assez traditionnelle. On retrouve donc avec un plaisir mêlé d’effroi l’atmosphère délicieusement inquiétante si caractéristique de la musique de Rafn, sa marque de fabrique en quelque sorte. Si vous ne connaissez pas Deadlife, vous serez sans doute tentés de me demander ce que le projet a de plus que les autres. Il est de notoriété publique que le DSBM se montre particulièrement surprenant lorsqu’il s’agit de transmettre des émotions, négatives le plus souvent, pour ne pas dire tout le temps. Et là où la grande majorité des groupes se contente de placer des chants éraillés sur des riffs très distordus, Deadlife va plus loin en instaurant un réel climat qui inspire à la fois la peur, la mélancolie et la tristesse, mais aussi, dans une certaine mesure, l’espoir.
Chacun est évidemment libre de se faire sa propre opinion selon son interprétation de la musique de Deadlife, mais le fait est que Porphyria repousse les limites de notre perception et de notre sensibilité. Les amateurs du genre ne me contrediront pas, nous nous sommes déjà tous retrouvés, lors de la première écoute d’un album particulièrement riche en émotions, littéralement pris aux tripes et incapables de chasser de notre esprit, habité par une temporaire neurasthénie, les funestes images reçues au fil de cet album. C’est à cette élitiste catégorie de productions qu’appartient Porphyria, et nul ne semble pouvoir rester de marbre durant son écoute. Conformément à une approche davantage technique qu’émotionnelle, les titres sont lents, lourds, pesants, mais pas exempts d’une certaine musicalité qui restera en tête. Certains éléments atmosphériques, si subtils soit-ils, ne manqueront pas de venir étoffer quelques titres afin de coloriser quelque peu l’ensemble. La seule ombre au tableau réside finalement dans le passage au second plan des instrumentations lors de certains chants, et la chose est généralement trop perceptible pour passer inaperçue.
Si l’ouvrage peut sembler monotone, vous vous apercevrez rapidement que l’écoute s’effectue avec plaisir et fluidité, alors que l’album dure tout de même une heure. Les titres sont globalement plutôt longs, même si l’on reste dans la moyenne en ce qui concerne le DSBM, comme pour en remettre une couche à l’aspect assommant, dans le bon sens du terme, de Porphyria. Vous l’avez lu, et vous le constaterez à nouveau au fil du temps, je suis un fervent défenseur de la critique d’album en me basant sur les sentiments que chaque production peut transmettre. Et Porphyria fait justement partie de celles qui vous paralysent et qui collent le casque à vos oreilles. Cet album est un dédale musical duquel il est impossible de s’extirper. Rafn a voulu faire en sorte que cet album hypnotise et crée une sorte d’implacable magnétisme avec l’auditeur, et il l’a réussi haut la main.
Vous serez obnubilés par la lugubre beauté de « Porphyria » et de « It Used To Hurt », et le climat morbide général de l’album ne manquera pas d’exalter votre envie de renouveler l’expérience aussi souvent que possible. Porphyria est envoûtant et déclenchera en vous une fatale soif d’aller plus loin, au delà des tortueux méandres de la discographie de Deadlife.
Rafn signe avec Porphyria l’album charnière de sa carrière avec Deadlife, le genre d’album-tremplin qui peut faire décoller un groupe ou, dans le cas présent, un projet solo. Porphyria est disponible depuis le 20 juin, et, si ce n’est pas encore fait, je vous conseille vivement de vous laisser emporter par son irrationnel occultisme.