Heroic Viking – Barbarian Echoes

by Secluded Copyist

Baddoar a encore frappé. Non content d’asperger régulièrement son monde de sorties qu’il vaut toujours le coup d’explorer, l’artiste français se permet en plus de toucher à tout sur le plan stylistique, dans le dungeon synth et ailleurs. Cette fois-ci, une deuxième sortie a été ajouté au modeste répertoire du projet Heroic Viking, qui avait vu le jour en janvier dernier chez Mondes Sonores avec Ragnarok, premier album très fortement influencé par Tangerine Dream et la berlin school. Cette fois-ci, on a tout le loisir d’explorer un Barbarian Echoes plus consistant, et surtout, bien plus accrocheur.

Si le dungeon synth nous a appris quelque chose au gré de son évolution, c’est qu’il ne faut pas constamment le considérer comme le résultat absolu d’une rencontre entre musique et thématique. Qu’on le veuille ou non, l’un des deux suffit bien assez. Autrement, Scrying Glass et Diplodocus ne seraient pas autant adulés par la communauté. Dans cet ordre d’idée, il est probablement difficile d’imaginer Heroic Viking entretenir un lien de parenté avec le dungeon synth à la seule écoute de son travail, c’est-à-dire sans avoir sous les yeux le contexte qu’illustre sa musique. Certes, l’ensemble aurait parfaitement sa place pour illustrer quelque RPG nerveux sur Mega Drive, mais les divagations électroniques de notre homme ne rendent pas sa catégorisation aisée.

Et vous savez quoi ? On s’en fiche. Heroic Viking livre avec Barbarian Echoes un album bien trop jouissif pour que l’on s’attache trop longtemps à des considérations stylistiques aussi futiles. Infiniment plus accessible, lumineuse et rythmée, cette deuxième sortie sent bon les années 80 et leur vision très pop de l’heroic fantasy, là où Ragnarok se montrait un poil plus austère dans son approche et dans ses rares mélodies. Une évolution plus que bienvenue donc, au cœur d’une période qui semble faire la part belle aux initiatives en faveur d’une vision très old school du dungeon synth (Dreamy Knight), parfois même avec des sonorités résolument vintage très originales (Quest Master, Old Sorcery). L’histoire ne dit pas si Baddoar a passé de longues heures à jouer à Phantasia Star II ou Arcana, mais à l’écoute de Barbarian Echoes, on veut bien y croire fermement.

Cette deuxième sortie est une suite de titres très consistants où la polyphonie règne. Le schéma est souvent le même. Sur un rythme entraînant se greffe une, puis deux mélodies qui font inlassablement dodeliner un auditeur ému par un travail de reconstitution aussi fidèle à ce qui a fait la qualité de tant de bandes originales par le passé. Tout y est : la rythmique est galvanisante à souhait, les séquenceurs apportent cette touche épileptique si enivrante, et les mélodies et les sonorités — pourtant relativement simples — donnent corps à des univers pixellisés que l’on voudrait découvrir à tout prix. Résultat, on écoute en boucle sans se soucier de l’indigestion que cela pourrait provoquer.

Si l’ensemble est bien équilibré, un titre ressort par son contenu jubilatoire, « The Blade ». Plus de quatre minutes durant, on est porté par un enchaînement de mélodies qu’il est difficile de suivre avec attention, mais dont le pouvoir de dépaysement est absolument incomparable. Nul doute qu’il transportera encore plus loin les plus âgés d’entre nous, qui se reverront une manette à la main un soir pluvieux de novembre. Il serait néanmoins réducteur de résumer la force de Heroic Viking à une simple utilisation de la nostalgie. Le travail de composition est colossal et émeut réellement n’importe quelle personne sensible aux méandres de la musique électronique. Baddoar a sorti un nombre incalculable d’albums, mais celui-ci est l’un des tout meilleurs.

Pour présenter Barbarian Echoes à un connaisseur en matière de dungeon synth, on pourrait le prétendre taillé sur mesure pour le catalogue de Heimat Der Katastrophe, tant son contenu se prête à ce qui a fait le succès du label italien depuis ses débuts. Tant par ses sonorités que par ses mélodies, la deuxième sortie de Heroic Viking est une délicieuse friandise dont il convient d’abuser. N’ayons pas peur des mots, de tous les albums qui gravitent autour du dungeon synth sans en être au sens strict, Barbarian Echoes est parmi ce qui s’est fait de mieux cette année.

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