Quest Master – Sword & Circuitry

by Secluded Copyist

Quest Master a toujours versé dans un dungeon synth assez convenu. Ne voyez rien de péjoratif dans cette formulation, justement parce que le projet australien fait partie des grands de ce genre musical. Grâce à deux excellentes dilogies riche en dungeon synth old school et accrocheur, celle des Lost Songs et celle des Twelve (Castles puis Temples), Quest Master a été propulsé de façon fort légitime au premier rang des projets qui comptent sur la scène mondiale. Un an et demi après la sortie des Twelve Temples, l’artiste a cependant ressenti le besoin de faire les choses différemment. Avec la récente arrivée de Sword & Circuitry, il fait montre d’un goût particulier et d’un talent certain pour les sonorités électroniques typées années 80. Pour un résultat tout simplement admirable.

Avant même de jeter un œil aux titres de ce nouvel album, la rupture est assez nette avec le reste de la discographie du projet. Nous nous sommes vaguement attardés sur son titre, qui en fait d’emblée une productions isolée vis-à-vis de ses prédécesseurs. Cette différence saute également aux yeux dès lors que l’on observe la pochette de ce Sword & Circuitry. Quest Master avait habitué son monde aux pochettes somme toute assez classiques, constituées de petites vignettes fort jolies sur fond noir. Cette fois-ci, la donne change complètement avec ces motifs un peu abstraits et rêveurs, au premier plan d’une espèce de ciel rosâtre. Mais tout ceci illustre très bien le virage stylistique pris par le projet.

Dans un premier temps, le suiveur du projet australien est en terrain connu. Les claviers légers et résolument vintage de « Cloudy Gateways » permettent à une douce mélodie médiévalisante de se développer doucement, rapidement soutenue par toute une batterie de sonorités qui rendent l’ensemble assez riche, sans pour autant perdre de vue le côté intimiste inhérent à Quest Master. C’est un peu plus tard, sur « Viridian Bells », qu’un peu d’exotisme est audible, via les percussions notamment. Situées en arrière-plan dans le paysage sonore, ces dernières semblent véritablement avoir été empruntées à une œuvre de vaporwave. On a clairement l’impression de se trouver face à un coucher de soleil aux couleurs saturées, et le ton lumineux et très coloré du titre en question n’y est pas étranger. De façon très prégnante, « Viridian Bells » indique à son auditoire que l’artiste australien a utilisé beaucoup d’ingrédients empruntés à la musique électronique des années 80 et 90.

La tendance se confirme par la suite avec « Cerulean Depths », que l’on pourrait croire sorti d’un album de chillwave arborant une plage tropicale sur sa pochette. Comme pour « Viridian Bells », c’est ici la rythmique qui rappelle les influences multiples sur lesquelles Quest Master s’est appuyé pour composer Sword & Circuitry. Le point d’orgue de ce dernier intervient sur le titre suivant, « Hanging Garden of Chrome ». Moins typé filtre rose et statues grecques que les deux titres sus-cités, il a le mérite de proposer une montée en puissance absolument exaltante à deux reprises, offrant définitivement à ses auditeurs enthousiasmés un moment de délice absolu. Du Quest Master tout craché, en somme.

Avec tous ces ajouts et ces influences extérieures, on pourrait se demander si l’œuvre du projet australien est toujours proche du dungeon synth. C’est oublier un peu vite que le dungeon synth, en dépit des nombreuses productions folk qui voient le jour, est avant tout un genre se réclamant de la musique électronique. Le fait d’y ajouter des ingrédients propres à d’autres genres musicaux électroniques n’a ainsi rien de bien surprenant. D’autant que, si l’on veut fouiner du côté des projets ayant une démarche musicale similaire à celle de Quest Master sur Sword & Circuitry, on en vient à parler du cas de Scrying Glass, qui évolue dans un style encore plus audacieux, et qui ne manque pas de s’attirer les louanges de toute la communauté. Et ce à très juste titre.

Malgré son désir d’expérimentation, Quest Master ne perd strictement rien de sa faculté à livrer une musique juste, passéiste et incroyablement dépaysante. Après avoir sorti quatre albums géniaux dans la plus pure tradition du dungeon synth médiéval, la tentation était grande de s’aventurer sur un sentier un peu différent. Les influences électroniques old school sont bien audibles sur Sword & Circuitry, mais cela ne dénature en rien ce que le projet a su bâtir depuis ses débuts. Quant à l’album dans son ensemble, nul doute qu’il fera date lorsque l’on fera le bilan de l’année 2023. Même lorsque son style évolue, Quest Master met tout le monde d’accord.

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