- Article initialement publié sur le Repère des Reclus
- Italie
- Dungeon Synth
- Indépendant
- 1er mai 2021
Au milieu de la pléthore d’albums à la qualité discutable qui voient le jour chaque semaine, il n’est pas rare de faire de belles découvertes. Il s’agit parfois d’une petite démo sans prétention ou d’une nouvelle sortie d’un projet talentueux. En revanche, il est plus rare de tomber sur un véritable album — avec tout ce que cela implique en termes de durée — au contenu aussi cohérent et complet que l’on peut imaginer. Frér nous vient d’Italie, et son premier album pourrait bien obtenir les faveurs des adeptes qui aiment volontiers leur dungeon synth pictural et fastueux.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, permettons-nous d’introduire Tales From the Old Continent par le biais de sa pochette. Alors que la tendance est généralement à l’utilisation d’œuvres graphiques, l’artiste a fait le choix d’utiliser la représentation d’une gravure au trait pour illustrer sa musique, et plus précisément celle montrant le légendaire épisode de saint Georges tuant un dragon. La finesse de la gravure, vraisemblablement ouvragée par le Britannique William Wyon — et non par son homonyme L. C. Wyon, pourtant graveur lui aussi, comme il est précisé dans les crédits de l’album —, donne ainsi un relief insoupçonné, non seulement à la pochette, mais également aux excellents titres qu’elle entend illustrer.
Ceci étant, les six titres denses qui donnent corps au premier album de Frér n’avait pas réellement besoin de l’appui de la pochette pour commettre leur forfait. À l’écoute de Tales From the Old Continent, on se rend rapidement compte que l’artiste a mis les bouchées doubles pour proposer des titres dont la richesse technique et émotionnelle surprend. Les très bonnes mélodies proposées par Frér font une première apparition remarquée sur « Blue Knight » ; on adhère alors très vite au caractère extrêmement accrocheur de ce qui se développe dans le paysage musical du projet italien. Paysage est d’ailleurs le mot adéquat. Il est impressionnant de constater, au fil de l’écoute, que les titres forment une espèce de tout indivisible, tel un vaste tableau livrant ses moindres secrets à mesure que la grosse demi-heure défile en arrière-plan, et « Blue Knight » en est justement la parfaite illustration.
L’épique ne tarde pas à faire son arrivée avec « The Gulf », comme si l’on entrait enfin dans le vif du sujet après avoir posé les bases. Le côté orchestral de Tales From the Old Continent prend alors une dimension bien plus exaltante, surtout dans la première moitié du titre. On perd rapidement pied, littéralement porté par la puissance évocatrice de la musique de Frér. Malgré tout, l’ensemble ne respire jamais le pompeux ou le théâtral, ce qui est suffisamment rare pour être apprécié. La longueur des titres permet en outre l’installation d’une réelle atmosphère dépaysante. L’artiste se permet même d’aller prospecter sur un terrain presque martial, comme en témoignent les rythmiques plus prononcées de « Danza Macabra ». Du début à la fin, cet album est une aventure passionnante, et l’on prend un plaisir immense à la vivre, la ressentir.
Que dire de plus, sinon que Frér a livré une première sortie d’une qualité rarissime ? Pour un premier album, on a rarement vu ne serait-ce qu’aussi bien. Désormais, il ne reste plus qu’à espérer que l’album ne soit pas mort-né — comme le sont parfois des albums pourtant excellents —, de manière à ce qu’il puisse jouir d’une sortie physique à la hauteur de la scène qu’il propose d’admirer. Il est enfin émouvant de voir que le Vieux Continent, principal sujet de l’album en question, continue d’inspirer des artistes aussi talentueux que Frér…