Bannwald / Uruk-Hai / Druadan Forest – Kingdoms Long Gone

by Secluded Copyist

Considérant la teneur actuelle des différentes scènes nationales en matière de dungeon synth, l’Autriche et la Finlande ne font pas partie des pays auxquels on pense en premier lieu au moment de sélectionner les territoires les plus productifs, et ce malgré une évidente gloire passée. Aujourd’hui, ce sont évidemment les États-Unis qui s’attirent la lumière des projecteurs, et de manière assez légitime. Ceci étant, la sortie d’un split tricéphale à très fière allure pourrait bousculer l’ordre établi début février. Kingdoms Long Gone, puisqu’il s’agit de son nom, a été mis au monde par les illustres projets Uruk-Hai et Druadan Forest, eux-mêmes accompagnés d’un projet plus jeune, mais non moins intéressant, nommé Bannwald. Et si l’on peut au moins avancer une chose, c’est que la bête devrait faire parler d’elle…

La sortie d’un album dungeon synth sur un gros label habitué à autre chose, en l’occurrence Antiq Records, ça a toujours une saveur particulière. Et curieusement, bon nombre de labels justement habitués au dungeon synth feraient bien de s’inspirer de certains choix de production, tant certains n’ont plus de dungeon synth que l’étiquette. Kingdoms Long Gone est introduit par trois titres du projet autrichien Bannwald, choix cohérent que voici dans la mesure où son style est probablement le plus accrocheur des trois. C’est au coeur d’une ambiance très médiévale que s’expriment percussions, clavecins et instruments à vent, le tout pour un résultat très convaincant, d’autant que l’artiste ne tombe jamais dans le piège du trop plein orchestral, ce fléau qui gangrène tant de projets pourtant très bons.

Il s’agit d’une excellente surprise que de voir un nouveau projet parvenir à trouver un juste milieu avec autant de rectitude. Après une introduction assez chantante avec « Fortress I », c’est un climat plus cérémoniel qui s’installe avec « Fortress II ». L’orgue y est rapidement rejointe par de nouvelles percussions, mais l’ensemble demeure plus léger et intimiste que pour le premier titre, et la recette, bien que répétitive sur la fin, marche tout autant. La partie de Bannwald se termine avec le titre éponyme du split, qui est sans doute le meilleur de ce dernier. C’est bien simple, tous les ingrédients inhérents à un bon titre de dungeon synth s’y trouvent. Le dépaysement, les mélodies, les percussions, la légèreté. Le titre parvient même à se montrer épique sans tomber dans le cliché, une véritable prouesse. Avec des sonorités plus électroniques, on pourrait presque croire entendre le Hedge Wizard des bons jours.

Place à deux titres plus longs, ceux d’Uruk-Hai. Bien que j’admette aisément que le projet, autrichien lui aussi, fasse partie de ceux qui ont acquis une solide réputation au fil des années (et ce à juste titre), je n’ai jamais été transporté par sa musique, et cette tendance se confirme malheureusement dans le cas présent. On est ici sur quelque chose d’autrement plus orchestral, voire cinématographique, qu’avec Bannwald, et c’est dommage sur un split de dungeon synth (puisque la dominante est telle), car ces choix ont le sérieux don de briser quelque peu l’innocente réclusion propre au genre. Ceci étant, en passant outre les rébarbatives considérations ontologiques du dungeon synth, il faut reconnaître à « Orkish Hymn » son pouvoir d’escapade. Après avoir suffisamment progressé dans le titre, l’auditeur se trouve face à quelque chose de réellement menaçant, mais qui n’est pourtant pas dénué d’une certaine poésie.

Le constat est sensiblement similaire pour « The Birth of an Uruk-Hai », qui se veut encore plus rythmé et prenant que son prédécesseur. Une guitare électrique saturée se permet même une apparition remarquée avant qu’une harpe se charge de rétablir une certaine harmonie, accompagnée par la beauté du son de la flûte. En termes de production et de qualité musicale, Uruk-Hai n’a plus rien à prouver à personne, mais il le fait quand même sur ces deux excellents titres. Aucune objection à cela. Cependant, deux titres aussi travaillés et au rendu aussi propre peuvent-ils être du plus bel effet aux côtés d’autres titres plus conformes au faciès introverti du dungeon synth ? On peut se poser la question, mais ces deux titres raviront en tout cas les amateurs du genre.

Enfin, c’est au tour de Druadan Forest, qu’on ne présente plus vraiment, de servir son menu. Ce dernier est composé d’un seul titre de près de vingt minutes, et dont les caractéristiques se situent plus ou moins à mi-chemin entre un dungeon synth plutôt moderne et un dark ambient très contemplatif. Vingt minutes, c’est long, et pour autant, jamais la lassitude ne se fait ressentir avec Druadan Forest. « Tuhat Tähteä Ikuisuuden Viitassa » se divise grossièrement en deux parties, une première partie dungeon synth, et une seconde plus dark ambient. Mention spéciale à cette dernière, qui n’inspire à rien d’autre qu’à une promenade méditative au beau milieu d’une forêt située loin de tout. Pour clore la belle expérience apportée par l’écoute de Kingdoms Long Gone, il n’en fallait pas plus.

Le chatoiement pour Bannwald. L’évasion pour Uruk-Hai. La rêverie pour Druadan Forest. Trois éléments bien distincts mais pas incompatibles, pour un résultat qui force l’admiration. Certes, les trois artistes ont des univers musicaux assez différents les uns des autres, mais il relève de toute manière de l’exploit que de vouloir sortir le split de dungeon synth parfait. Antiq Records offre ainsi la possibilité de profiter de la collaboration de trois artistes dont le travail est à écouter encore et encore. Déjà l’une des sorties dungeon synth de l’année.

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