Burzum – Thuleân Mysteries

by Secluded Copyist

Il faut bien l’avouer, malgré l’annonce, il y a de cela un certain temps, de la fin de toute activité liée de près ou de loin à Burzum, on n’était pas vraiment surpris de voir l’ami Varg Vikernes remettre ça. Ce mois-ci, Burzum revient avec la sortie d’un nouvel album longue durée, Thuleân Mysteries. Un véritable retour ? Oui et non. Lorsque l’on sait que cette nouvelle sortie est plus ou moins composée de vieilleries que l’artiste avait sous le coude depuis un moment, ça perd un peu de son charme. Toujours est-il que la sortie de Thuleân Mysteries revêt une importance toute particulière pour les adeptes des albums ambient de Burzum, dont je fais activement partie. Alors, simple recyclage ou vrai renouveau ?

Six ans. C’est le temps qui sépare ce nouvel album de son prédécesseur, The Ways of Yore, dont la qualité et le potentiel d’évasion me semblent un peu plus importants à chaque nouvelle écoute. Malgré des sons de cloches bien différents parmi les admirateurs de Burzum, j’avoue avoir trouvé en cet album l’âme d’un artiste apaisé et bien plus enclin à se perdre dans la composition de titres mi-folk mi-ambient à l’identité très agréable qu’à faire rugir les guitares et les cordes vocales. Après tout, le dernier album black metal de Burzum, Umskiptar, date de 2012. Et justement, si l’on aime Burzum pour ses divagations instrumentales au milieu d’une forêt millénaire, Thuleân Mysteries est a priori taillé sur mesure.

Album double CD, vingt-trois titres, une petite-heure et demie de musique… Burzum contente à première vue son auditoire, en tout cas sur le plan de la quantité. Mais même en explorant un peu plus le dernier né de la discographie du projet légendaire, n’importe quel amoureux des derniers albums saura trouver chaussure à son pied. En schématisant de la belle façon, on pourrait dire que Thuleân Mysteries est une espèce de patchwork des différents albums ambient de Burzum, avec un très net penchant, tout de même, pour les deux derniers. On a des titres très orientés folk, d’autres plus ambient, parfois les deux en même temps, et on a même droit, à quelques reprises, à des titres qui offrent de très beaux moments de dungeon synth champêtre. Royal en somme.

Bien évidemment, et c’est une espèce de constante lorsqu’il s’agit de considérer les albums ambient de Burzum, on a un paquet de titres dispensables dans le panier à légumes. « Heill auk Sæll » s’inscrit par exemple dans la tradition officieuse des titres aux paroles parlées chez Burzum (souvenez-vous de « Heill Óðinn » sur The Ways of Yore, bien qu’il fût meilleur), et malgré toute la dimension ritualiste qu’on lui peut attribuer, ça ne passe pas. Constat sensiblement similaire pour « The Great Sleep », qui serait incroyable d’introspection si Varg ne donnait pas l’impression de chanter proprement faux sur une bonne partie du titre. Les années passent et les choses ne changent pas, mais qu’à cela ne tienne, car Thuleân Mysteries offre aussi beaucoup d’excellents titres qui rappellent au bon souvenir des meilleurs disques ambient de l’artiste.

En connaissant un minimum la discographie de Burzum, il est même plutôt aisé de connecter tel titre avec tel album du passé en fonction de ses sonorités, tissant peut-être un audacieux lien entre ledit titre et la période au cours de laquelle il fut composé. On a par exemple « The Lord of the Dwarves » et « The Road to Hel », avec ce mélange de sonorités bourdonnantes et évolutives si caractéristiques de Burzum. On a aussi l’apparition ça et là de titres bien plus doux voire oniriques, comme « The Land of Thulê » et « Skin Traveller ». De manière un peu plus surprenante, deux titres assez courts, en l’occurrence « Gathering of Herbs » et « The Ettin Stone Heart » viennent apporter un peu de couleur à l’aide de mélodies un poil plus lumineuses et enjouées.

En faisant de cet album une espèce de bande son officielle de son jeu de rôle personnel, MYFAROG (pour mythic fantasy role-playing game), Varg Vikernes ajoute également une pointe de narration à son ouvrage, chose à peine perceptible sur certains titres mais qui permet une évasion encore plus significative. L’album meurt finalement avec le duo « The Password » – « The Lost of Thulê » et sur des notes très mélancoliques, émouvantes presque. Ce deuxième titre est d’ailleurs une réinterprétation plus lente et presque spatiale d’un titre iconique de Hliðskjálf, « Die Liebe Nerþus ». Une fin qui trouvera en chaque adepte de Burzum une résonance tout à fait singulière…

Thuleân Mysteries est une chimère qui synthétise toute l’identité musicale que Burzum a pu montrer sur ses différents albums ambient, et on valide l’initiative avec beaucoup de vigueur. Malgré des titres vraiment en dessous des autres (encore heureux avec une liste de vingt-trois), le nouvel album de Burzum parvient à faire basculer l’auditeur dans tous les univers que l’artiste est parvenu à créer au fil des années, et rien que pour y vivre de nouvelles expériences musicales, Thuleân Mysteries est un incontournable. Considérant la propension de Varg à se montrer régulièrement, nul ne sait réellement si Burzum sera maintenant condamné à un sommeil éternel. Mais si Thuleân Mysteries est effectivement la dernière sortie du projet, il prend les airs d’un chant du cygne tout à fait remarquable.

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