Blut Aus Nord / Ævangelist – Codex Obscura Nomina

by Secluded Copyist

Il y a de ça quelques temps, quelle ne fut pas notre surprise au moment d’apprendre la collaboration de Blut Aus Nord et d’Ævangelist en vue d’un album split pour le mois de juin. C’est ainsi que deux des piliers du metal expérimental se réunirent pour façonner un Codex Obscura Nomina que beaucoup attendait de pied ferme, sitôt l’annonce de sa sortie faite. C’est non sans plaisir que nous avons accueilli le split, mais sans pour autant cacher une certaine appréhension quant à la compatibilité des deux groupes.

Sur le plan stylistique, même si les deux formations ne produisent pas une musique follement similaire, l’association semble alléchante par sa perspective à nous transporter au travers des méandres d’une atmosphère lourde et envahissante. D’une côté, nous avons les mystérieux et discrets français de Blut Aus Nord, dont la qualité n’est plus à prouver, et ce, depuis une vingtaine d’années. Le trio n’en est d’ailleurs pas à son premier fait d’armes dans la mesure où Codex Obscura Nomina est son quatrième split. Le dernier en date fut Triunity, produit en compagnie de PHOBOS. De l’autre côté, nous avons Ævangelist, qui propose, à peu de choses près, une musique semblable à celle des français par son aspect expérimental. Je me dois d’insister sur l’aspect expérimental commun aux deux groupes, car il est ici clairement établi que Blut Aus Nord tend vers le black, alors qu’Ævangelist tend vers le death. Mais dans un souci de clarté sur le plan musical, nous ne prendrons pas davantage en compte cette opposition de styles, car la musique des deux groupes est telle qu’elle passe outre la simple catégorisation. Sa complexité fait qu’on ne saurait la réduire à une banale division stylistique. Et c’est dans cette association que réside, de prime abord, toute la richesse de Codex Obscura Nomina.

Le split comprend donc cinq titres, les quatre premiers de la part de Blut Aus Nord et le dernier d’Ævangelist, une inégalité rapidement relativisée lorsque l’on s’aperçoit que la partie de chaque groupe dure une vingtaine de minutes. Sitôt le premier titre, la recette si efficace des français est parfaitement perceptible. La musique de Blut Aus Nord, absconse pour certains, qui relève du génie pour d’autres, ne laisse en tout cas personne indifférent, et les quatre titres présents sur le split ne dérogent pas à cette règle. Déjà forts d’une bonne dizaine d’albums, les français ont pu, au fil de leur carrière, développer une atmosphère obsédante et qui exerce une emprise indéfectible sur le public, colonisé par des représentations d’une froide beauté. Le seul et unique titre d’Ævangelist, « Thresholf of the Miraculous », achève le split en beauté, grâce à une structure très libre et encline à pousser l’auditeur à effectuer ses propres réflexions quant à l’abondance de sentiments exprimés. À l’aide d’éléments atmosphériques bien sentis, le groupe américain offre, avec son unique titre, vingt minutes d’une méditative léthargie durant laquelle on se laisse divinement porter vers l’inévitable clôture de Codex Obscura Nomina.

Certes, ce split est extrêmement satisfaisant et plutôt réussi, mais on pourra peut-être lui reprocher l’absence de cette infime chose qui parvient à nous transcender dans des proportions célestes, et que l’on trouve sur les albums de Blut Aus Nord comme sur ceux d’Ævangelist. Si vous connaissez avec précision la discographie de ces deux groupes, vous avez probablement remarqué que Codex Obscura Nomina est légèrement en deçà de ce que les deux formations peuvent produire, en particulier en ce qui concerne Blut Aus Nord. On notera également un petit manque de mordant. Les deux groupes ne sont pas renommés pour leur agressivité, Dieu merci, mais un soupçon de pugnacité en plus n’aurait pas fait de mal à l’ensemble. Malgré cela, ce split est passé du statut d’agréable surprise à celui de production indispensable à tout fervent de metal expérimental. Il représente à lui seul l’essence même ce qui fait le charme du genre, à savoir, une mystérieuse brume occulte englobant un gouffre à la fois vide de pensées positives et rempli de sentiments propres à l’espoir et à la quête d’une vie faite d’opulence et de fortune. Que l’on aime ces groupes ou non, que l’on apprécie le genre ou non, on se doit d’affirmer que, malgré les très légères critiques que l’on peut en faire, Codex Obscura Nomina frise la perfection, tant dans sa conception que dans le rendu final que les deux groupes, décidément au sommet de leur art, lui ont apporté. Nous constaterons, avec un léger sourire en coin, comme pour clore le débat sur une note définitivement positive, que Blut Aus Nord est enfin parvenu à nous proposer un artwork de qualité pour l’une de ses productions.

Qu’on se le dise, Codex Obscura Nomina n’est pas à mettre entre toutes les mains. Il fait partie de ces albums très complexes qui nécessitent une certaine culture du genre pour être appréciés à leur juste valeur. Il ne s’agit pas là d’un split accessible à n’importe qui, il est réservé à une certaine élite capable de déceler les marques de qualité dans la musique de Blut Aus Nord et d’Ævangelist. Ces deux groupes ont mis leurs talents respectifs en commun pour nous proposer un Codex Obscura Nomina de très grande qualité et qui ne présage que de bonnes choses pour leurs carrières respectives. Et quand on connaît le chemin parcouru par les deux formations, on ne peut que s’incliner face à leur capacité à se renouveler et à produire une musique toujours aussi surprenante.

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