Saturnales – Hidors Malveis

by Secluded Copyist

Dans la lignée d’une discographie riche de quatre albums marqués par une gestion prononcée du dépaysement, le projet français Saturnales vient de dévoiler son cinquième disque, Hidors Malveis, portant sur les célébrations de Samain, et plus particulièrement sur le traitement réservé aux croyances païennes par l’Église au Moyen Âge. Malgré l’utilisation d’une pochette dont les tons sombres sont particulièrement inédits pour Saturnales, les amoureux de l’ambiance champêtre de l’artiste ne seront pas dépaysés pour un sou et pourront retrouver ce qu’ils aiment tant sur ce nouvel album, avec peut-être une place plus importante laissées aux divagations dungeon synth, jusqu’alors uniquement effleurées par Saturnales.

Après la sortie de deux excellents albums en 2019, à savoir Foresgue et Beg, on aurait presque commencé à trouver le temps long avant d’être à nouveau gratifié d’un album de Saturnales. On retrouve le projet comme on l’avait quitté avec Beg, c’est-à-dire avec ces titres légers et avec cette évocation si rare de l’espace forestier rassurant, chatoyant et confortable. « Dies Mortis » et « Satur », les deux premiers titres de l’album, en sont l’illustration parfaite. Le ton change quelque peu avec l’arrivée de « Castè Crottè » — plus long titre de l’album avec quasiment douze minutes sur la balance —, moins réjouissant et peut-être un peu plus mélancolique, comme pour annoncer que la suite de l’album ne se montrera pas aussi gaie que son introduction.

Au coeur de Hidors Malveis se trouve le triptyque Satur – Sàtyr – Satán, composé des trois titres du même nom, et qui dépeint — selon les dires de l’artiste — la lente démonisation des divinités païennes, en l’occurrence Saturne et les satyres. Il est très pertinent de souligner le contraste très marquant entre les sonorités légères et rassurantes de « Satur », les mélodies authentiques et presque dansantes de « Sàtyr », et enfin le mélange plus sombre qui donne corps à « Satán ». La volonté de la part de l’artiste de dénoncer le traitement réservé aux cultes païens est ici particulièrement visible et suit l’auditeur tout au long de l’album. Comme pour appuyer davantage son raisonnement, on pourra souligner que les deux premiers titres paraissent clairement plus réussis que le troisième, moins propice à la moindre évasion et moins saturnalesque dans l’esprit.

De manière générale, c’est toute la dernière partie de l’album qui est empreinte d’une espèce de tragique sans précédent chez Saturnales, du moins sous cette forme. Ce caractère sombre et théâtral naît d’abord sur « Mélancholier jos Machecolie », avec sa rythmique très lente et ses instrumentations résignées et affaiblies, presque apathiques, alors qu’au loin gronde un orage menaçant. C’est ensuite la religiosité de « Satán » qui frappe l’auditeur, avec cette fois-ci un abandon total au profit des ténèbres. C’est d’ailleurs à l’occasion de ce titre que Saturnales s’approche le plus des sombres velléités du dungeon synth. Un titre long et répétitif, au coeur duquel poignent péniblement quelques mélodies plus délicates, comme submergées par quelque chose de plus important qu’elles. L’album se clôt enfin sur l’intrigant « Sol Victus », qui fait office de conclusion très courte, mais dont les mélodies presque gothiques au piano sont absolument splendides, bien que particulièrement étrangères à l’idée que l’on se fait de l’univers musical de Saturnales.

Ainsi meurt un album qui n’aura pas manqué de surprendre son auditoire. Sans aller jusqu’à dire que l’artiste a expérimenté, il est appréciable de constater que Saturnales a su moduler quelque peu son style pour aborder Samain avec fraîcheur et audace. Hidors Malveis fait office de rupture à peine masquée avec ses deux prédécesseurs, et nous ne bouderons pas notre plaisir de nous retrouver avec un nouvel album réussi. Hidors Malveis est le cinquième album d’un cycle de huit. Vivement les trois autres.

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