- Kazakhstan
- Dungeon Synth
- WereGnome Records, Personal Uschi Records
- 13 mars 2024
Curieusement ou non, ces derniers mois ont été l’occasion pour un certain nombre d’artistes de dungeon synth de s’essayer à un registre plus animé qu’à l’accoutumée. Repoussant parfois les limites du genre, cette petite tendance a vu émerger des artistes et des albums souvent très accrocheurs. C’est au cœur de cette dynamique que Труп Колдуна — ou Warlock Corpse pour les non-slavistes — semble avoir pris son envol. Désormais réputé pour son dungeon synth original et captivant, le projet kazakh a récidivé au mois de mars avec la sortie de Bloody Tears of the Desert, un petit album qui coche bien des cases…
Il est généralement de bon ton d’introduire un projet de dungeon synth en disant quelques mots de son style. Dans le cas de Труп Колдуна, c’est bien difficile. Sans verser dans l’expérimental à outrance, le projet a du mal à voir son travail être catégorisé avec certitude. Sur le plan sonore, notre artiste utilise un certain nombre de sons de clavier plutôt bruts, notamment dans le traitement des percussions. Le tout est évidemment soutenu par des mélodies enveloppantes et bien senties. La somme de tout ceci donne naissance à quelque chose d’étonnamment rythmé et dépaysant, sans que l’on comprenne nécessairement la nature des forces qui sont à l’œuvre.
Au vu des thématiques abordées, on comprend assez vite que le cadre de cet album prend la forme d’un désert, quelle qu’en soit la nature, dans toute sa splendeur et son inhospitalité. Un décor inhabituel pour un album de dungeon synth, mais il faut dire que Труп Колдуна s’en sort admirablement bien dans la retranscription de cet environnement baigné d’incertitude et dans le fait de lui donner vie. Le premier titre marquant de l’album, « Dance of the Burning Sands », s’appuie sur un climat global orientalisant — notamment par le biais de l’usage de flûtes — pour matérialiser son univers. Le résultat tout à fait exotique n’est pas étranger au caractère très entraînant du deuxième titre de Bloody Tears of the Desert.
Jusqu’à maintenant, rien d’incroyable sur la table. On voyage, certes, mais Труп Колдуна ne se montre pas spécialement plus singulier qu’un autre, sans compter que « Desert Diamonds » vient rappeler l’outrageuse parenté de l’album avec le dungeon synth. C’est sans compter sur le titre éponyme. Dès l’apparition de ses percussions, on constate que le ton change. Plus rapide que ses comparses, « Bloody Tears of the Desert » capte l’attention avec une facilité sans pareille. Sa rythmique et ses mélodies font de lui un moment musical exquis auquel on revient très souvent au fil de l’écoute de l’album. Soulignons par ailleurs les quelques chants éraillés qui le ponctuent ici et là, et qui lui donnent une saveur encore plus consistante. On ne sait pas bien ce que l’on écoute, mais on souscrit vivement.
De façon générale, chaque titre apporte son lot de surprises. L’impression d’avoir dans les oreilles une bande originale de jeu rétro est d’ailleurs prégnante à certains moments-clés. Le meilleur exemple est donné par « Inevitable Fate » et par son traitement de la rythmique — on y revient toujours. Bloody Tears of the Desert se clôt sur un magnifique « I Saw My Corpse », dont la lenteur et les accents aériens permettent de mettre en lumière le talent de Труп Колдуна pour injecter une bonne dose d’émotion à sa musique. Décidément, notre artiste sait tout faire.
Au sortir de l’écoute de Bloody Tears of the Desert, il est difficile de réaliser que celle-ci n’a duré que vingt grosses minutes. La richesse et la densité du dernier né de Труп Колдуна le rendent incroyablement gratifiant à explorer et à analyser. Malgré son côté irrésistible, l’album recèle de recoins mystérieux qu’on ne se lasse pas d’inspecter encore et encore. Dans un registre à la fois classique et rafraîchissant, le projet kazakh a fait très fort avec cette nouvelle sortie. Sans doute l’un des points culminants de cette année 2024.