- France
- Dungeon Synth
- So Called Hell
- 14 avril 2022
Un an s’est écoulé depuis l’éclosion remarquée de Wydraddear, projet français se distinguant par le caractère sombre et texturé de son dungeon synth. Mine de rien, en un an, il s’en est passé des choses pour l’ami Baddoar. Non content d’avoir offert à Wydraddear un début de discographie très solide, l’artiste a également alimenté d’autres projets tout aussi estimables, parmi lesquels Le Gris et Cauldron 80. Avec la sortie de Which Stems From the Sap – la première sur un label –, l’heure est venue de dresser un premier bilan et de se retourner avec délectation sur le travail qui a été brillamment réalisé depuis un an.
Sans vouloir accorder trop d’importance à ce qui s’apparente à un détail, je dois avouer qu’il est un poil triste de voir que, pour la première fois – et malgré le fait que ce soit parfaitement mérité –, Wydraddear sera produit par un label et non par Wydraddear lui-même. Recevoir une cassette spécialement préparée par l’artiste était toujours un moment exquis, et l’on espère que l’équipe de So Called Hell s’est montrée tout aussi créative et soucieuse du détail. Which Stems From the Sap s’offre ainsi à son auditoire dans la peau d’un album autrement plus important que ne pouvaient l’être ses prédécesseurs au moment de leur sortie. Derrière une pochette qui fleure bon le dungeon synth old school, on retrouve sans grande surprise ce qui a fait le succès du projet jusqu’alors.
L’album s’ouvre sur le titre à rallonge « Deciduous Crown », riche de près d’un quart d’heure de nappes de clavier d’une densité impressionnante. La montée est lente et ce qui s’apparente d’abord à du dark ambient particulièrement épais finit par prendre des allures de fresque brute. Comme toujours, Wydraddear se plaît à jouer avec les codes et les nuances. Jamais trop pauvre, jamais réellement mélodieuse, la musique de son projet sert de cadre aux échappées les plus humides et les plus sombres que le dungeon synth peut offrir. Mention spéciale à la plage sonore décapante qui accompagne la mort d’un titre très marquant et finalement plus fourni que ce dont on a l’habitude avec Wydraddear.
Pour ce qui est du reste de l’album, on est surtout marqués par les accents ritualistes prononcés de « Sylvan Spells », un registre plutôt absent du répertoire de Baddoar jusqu’alors – du moins, pour autant que l’on sache. L’assemblage de sonorités y est plus subtil et feutré qu’à l’accoutumée, on suggère plus que l’on ne hurle. On s’imagine aisément face à quelque sibylline et sinistre assemblée, au plus profond d’une cave voûtée envahie par l’odeur de la vieille pierre. De nouveau – et malgré des sonorités plus fines –, l’étreinte fonctionne parfaitement et l’on se laisse bercer par ce que l’imagination sait faire de mieux en pareille situation.
Outre ces deux titres remarquables par la légère rupture qu’ils opèrent avec le style habituel de Wydraddear – de manière tout à fait relative, entendons-nous –, le cœur de l’album est occupé par un titre plus convenu dans la forme et qui permet de mettre en lumière une entité importante du monde de Wydraddear. Il s’agit de Ktammi, père de la sève – d’où l’écorce mentionnée dans « Under the Ktammi Bark » – et directement lié à Aliaakta, mère du sang. Le fait d’avoir droit à quelques bribes du lore de Wydraddear solidifie davantage la force créatrice du projet et apporte à l’auditeur une expérience augmentée parfaitement appréciable.
Which Stems From the Sap, premier album du projet à ne pas être produit directement par l’artiste, remplit parfaitement ses objectifs et se permet même de faire entrevoir une vision différente de la part de Baddoar. Entre la sortie de ce nouvel album chez So Called Hell et la sortie d’une cassette mêlant The Castle Above The Mist et Hermit of The Great Whole chez Gondolin Records fin mars, Wydraddear est passé dans la division supérieure. Mais que l’on se rassure d’emblée, malgré la dimension nouvelle prise par le projet, il n’a rien perdu de sa propension à oppresser.