Sojourner – Empire of Ash

by Secluded Copyist

Sojourner est le genre de groupe que l’on a envie d’appeler « à la Summoning », et il y a de quoi ! Les néo-zélandais ont beaucoup écouté le groupe autrichien, et cela s’entend. Pour autant, ils ne se contentent pas d’en faire une copie carbone, comme Caladan Brood a pu le faire, avec talent cependant. Pour un groupe tel que Summoning, avec un genre musical si particulier, voir d’autres formations marcher si clairement sur ses plates-bandes ne semble pas gênant tant il y a de possibilités avec ce style de musique. Mais Sojourner lui impose sa propre personnalité.

Avant de parler de la différence qui distingue si élégamment Sojourner des autres productions du genre, attaquons-nous d’abord à en décrire les caractéristiques globales. Les morceaux sont longs, comme souvent dans le black atmosphérique à tendance épique. On oscille entre six et douze minutes par morceau. Pourtant, rien de redondant, aucun ennui ne se fait sentir. Cela vient du fait que son compositeur principal, Mike Lamb, a doté son projet de mélodies particulièrement fouillées, souvent en trémolo, mais pas que. Elles s’étirent volontiers en longueur, soutenues par un clavier omniprésent, sans être envahissant. On a affaire ici à une utilisation du clavier véritablement atmosphérique et non orchestrale, le risque pour cette dernière étant de verser facilement dans le pompeux et le grandiloquent pouvant être un tantinet ridicule. L’ensemble dégage une ambiance particulièrement attirante, assez lumineuse, exactement comme ce que l’on peut voir sur la très belle pochette.

Ensuite, il faut parler des éléments qui font briller Sojourner au milieu de ses pairs. Et ces éléments sont au nombre de deux. Le premier est la flûte, très présente, jouée par la femme de Mike Lamb, Chloe Bray. Celle-ci accompagne les compositions avec beaucoup de charme, donnant un aspect très serein et apaisant, presque folk par moment, comme dans « Heritage of the Nature Realm ». Cela n’a l’air de rien, mais cette petite flûte irlandaise se marie si bien avec les compositions qu‘il se dégage réellement une impression de voyage, d’évasion dans un monde oublié, traversant cette petite heure de musique de bout en bout. Le second élément original qu’apporte Sojourner est la voix de cette même Chloe Bray, qui fait quelques incursions. Le chant est très clair, très doux et chaleureux. Le magnifique « The Pale Host » en est un parfait exemple, sorte de ballade portée par le chant et la guitare acoustique sur fond de nappes de clavier. Très touchant, on s’imagine réellement sur une colline herbeuse en train de contempler les lumières d’une fin d’après-midi paisible.

Sojourner parvient bien à faire voyager sur ses sept titres. Seul faux pas, un « Aeons of Valor » trop proche de Summoning, s’essayant au grandiose et au superbe sans réel succès, n’en devenant qu’un peu plat. Non, Sojourner n’est pas glorieux et majestueux. Sojourner est plus intimiste, plus proche de la terre, et plus proche de la vie qui s’y trouve aussi. On pourrait faire une comparaison en disant que si Summoning est une immense fresque imposante et splendide dépeignant des éléments épiques et grandioses, Sojourner serait le simple habitant du monde imaginaire évoqué, plus humble, contemplant et s’émouvant de la beauté de son monde depuis sa vie de tous les jours. Plus personnel, moins épique, mais plus touchant. Sojourner est envoûtant, charmant même.

Le black atmosphérique à tendance épique a souvent tendance à ne pas être pris au sérieux, taxé soit de délire d’adolescent fasciné par les mondes imaginaires, ce qui n’est pas forcément faux, soit de repompe quasi inévitable de Summoning, ce qui n’est pas tout à fait faux non plus. Pourtant, Sojourner nous prouve qu’en y mettant les moyens et un brin d’originalité, ce genre peut vraiment amener l’auditeur à voyager loin, très loin, et lui montrer de vraies belles choses. Ce Empire of the Ash me touche particulièrement, moi qui n’ai jamais été réceptif au glorieux Summoning, nonobstant le génie musical du groupe. Alors que fait-on ? On remercie Summoning d’avoir ouvert la voie à ce genre de musique, on remercie Tolkien d’en fournir la matière de fond à travers son œuvre et les milliers d’univers imaginaires qu’il a inspiré, et on remercie Sojourner de nous livrer sa vision si touchante et personnelle de ces univers.

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