Mausolei, ou la quintessence du dungeon synth (2/4)

by Secluded Copyist

Ces deux premiers albums ayant installé Mausolei comme un projet particulièrement intéressant, nul doute que son troisième album, sortant six mois à peine après Kerzenlicht, est attendu. De nouveau, même s’il saute moins aux yeux, le changement de registre est bel et bien audible pour le suiveur assidu. Ende des Werges voit le jour le 1er octobre 2015. Ses titres semblent plus courts et plus minimalistes, non seulement sur la balance — nombreux sont les titres qui affichent deux minutes de musique, voire moins — mais aussi vis-à-vis de leur contenu. Sur Ende des Werges, Mausolei semble avoir fait plus simple. N’y voyez rien de péjoratif, mais l’ensemble paraît moins fourni et moins dense que sur les deux albums précédents. L’épaisseur du son propre au projet américain semble avoir été quelque peu lissée, comme si les sonorités étaient finalement un peu moins travaillées. Concernant les mélodies et l’ambiance générale, on se trouve toujours face à un travail de qualité. Mais pour les les amoureux de la première heure, ceux qui étaient là au moment de la sortie de Halles Aus Stein, il serait légitime d’être un peu déçu par ce que l’artiste américain a sorti par la suite.

Sur ce troisième album, deux titres font office de point culminant, « Ventosi » et « Letzter Atemzug », et pour cause, ce sont les deux titre dont le contenu est le plus travaillé, le plus profond, le plus insondable. Mausolei est toujours parvenu à faire de grandes choses à partir de mélodies très simples en apparence. Et ces grandes choses, il les doit justement au travail effectué sur le son, qui donne corps à ces petits cantilènes. Sur « Letzter Atemzug », je veux par exemple parler de ces espèces de sonorités évolutives en arrière-plan. L’air de rien, cet ajout confère au titre une dimension impénétrable dont l’intensité surprend. En guise de contre-exemple, on peut considérer « Ante Noctem », riche d’une mélodie simplissime ô combien mélancolique, mais l’absence d’épaisseur sur le plan sonore rend malheureusement l’ensemble un peu moins prenant. Troisième album du projet américain, Ende des Werges commence à faire ressortir ce qui marche et ce qui marche moins avec Mausolei, et l’artiste semble parfaitement le réaliser lui aussi.

Après avoir sans doute passé l’automne 2015 devant son clavier, Mausolei sort dès les premières heures de 2016 sa nouvelle production, sobrement intitulée Auftakt — mot tiré du vocabulaire musical que j’aurais peine à traduire en français. Toujours aussi taquin avec la nature de ses tracklists, notre artiste ne s’embarrasse nullement et intitule ses pistes de « One » à « Ten ». Auftakt est pour ainsi dire l’album par défaut de Mausolei. Ni mauvais, ni vraiment excellent, il a le mérite de renouer avec le contenu admirable de Halles Aus Stein. En comparaison avec Ende des Werges, les titres apparaissent cette fois bien plus profonds sur le plan sonore, ce qui renforce la parenté d’Auftakt avec le tout premier album de l’artiste américain. Enfin, après toutes ces sorties d’importance discutable, Mausolei se refait le géniteur de ce qui avait si bien marché sur Halles Aus Stein. L’ensemble est plus fourni, plus dense, et vous l’aurez compris si vous suivez notre dossier avec assiduité, c’est généralement un gage de qualité dès lors qu’il s’agit de Mausolei.

Comme à l’accoutumée, le climat global est sombre et un brin anxiogène, sans perdre pour autant l’espèce de douceur inexplicable que l’artiste parvient à faire naître dans sa musique, ce que « Four » illustre très bien. Aujourd’hui, on se dit finalement qu’Auftakt était, pour ainsi dire, l’album qui marquait la fin d’une ère pour le projet américain. Déjà considérable, et ceci alors que la communauté dungeon synth assiste à la naissance d’un courant revival très porteur, Mausolei fait son petit bonhomme de chemin en enchaînant les sorties de qualité. On ne m’en voudra pas, je l’espère, de hiérarchiser à ce point les albums de Mausolei, car avec ce qui suit, le projet bascule dans une autre dimension.

Notre ami avait visiblement des choses à dire, en 2016. Quelques semaines à peine après la sortie d’Auftakt, Mausolei révèle son successeur. Le 20 mars paraît alors Nocturne, première sortie — si tant est qu’on les prenne dans l’ordre — à bénéficier d’une sortie au format physique, bien que ce fût en 2018, à l’initiative de High Cathedral Records. L’artiste renoue avec l’allemand pour nommer les sept titres qui donnent corps à cette nouvelle sortie, probablement la plus morose de sa discographie à ce moment-là. Jusqu’à maintenant, il a surtout été question du son de Mausolei et de sa faculté à le manier dans tous les sens pour se créer une véritable marque de fabrique. En ayant quelques mots pour Nocturne, nous pouvons dès à présent mettre le doigt sur un autre trait de caractère absolument inhérent à l’identité de Mausolei : la mélancolie pure et tenace qui se dégage de sa musique.

C’est bien simple, chacun des sept titres qui composent Nocturne est riche d’une conception à la fois belle et déchirante du dungeon synth. On est ici bien loin des riffs torturés propres au depressive suicidal black metal, loin également des mélodies au piano à la profondeur incomparable. Mais on peut avancer, non sans audace, qu’on se trouve face à une espèce d’entre-deux. Sur tous les titres, on trouve des mélodies lentes et calmes, qui se dévoilent par le biais des habituels claviers épais — quoique plutôt gentillets sur cet album en particulier. Dans le marasme général se distinguent deux titres, l’un faisant suite à l’autre, « Schwamm » et « Wermut ». Tout y est : une superposition astucieuse des sonorités, des mélodies lancinantes à faire pleurer Gélaste, une atmosphère très touchante… Le constat est un peu le même que pour Auftakt, on ressent une certaine tristesse à l’écoute de ces mélodies mornes et répétitives, mais on ne peut s’empêcher d’y déceler une certaine élégance. On mentionne « Schwamm » et « Wermut », mais Nocturne brille par son homogénéité, qualité qui aura peine à être retrouvée par la suite, malgré des albums tout aussi saisissants…

  • Première partie
    Halles Aus Stein, Kerzenlicht
  • Troisième partie (à venir)
    Letzte Worte, Anonymität, Vorposten
  • Quatrième partie (à venir)
    Horizont, Dungeon in the Toundra

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