- Article initialement publié sur Heiðnir Webzine
Samedi après-midi, durant la prestation de Nifelheim, nous avons eu la chance de nous rendre dans la zone du festival réservée aux artistes pour y réaliser l’interview de Perversifier et de AK, les deux guitaristes du groupe. Nous les remercions chaleureusement pour le temps qu’ils nous ont accordé.
Vous jouez ici à deux pas de chez vous, le groupe étant originaire de la région. Quelle type de relation entretenez-vous avec le public français ?
Perversifier : Cette relation est bonne. Nous nous efforçons de jouer relativement peu à Paris, en moyenne une fois tous les trois ans, pour ne pas lasser le public. Donc je pense qu’à chaque fois qu’on joue là-bas tout se passe bien, les gens viennent en nombre et ce sont de bons concerts à chaque fois. Pour la France de manière générale, on fait pas mal de petits concerts en province, ça se passe toujours très bien aussi. Mais je ne pense pas que le fait que ce soit en France joue davantage que si ça s’était passé à l’étranger.
Est-ce que vous estimez que le public français est connaisseur en matière de black metal ?
AK : Il y a de toute manière plusieurs générations d’auditeurs. J’ai l’impression qu’il y a eu un gros creux jusqu’à 2012-2013 au cours duquel les gens qui écoutaient du black metal écoutaient également un peu de tout dans le metal. Mais depuis, il y a un renouveau en la matière avec des auditeurs qui scrutent beaucoup l’underground et qui surveillent les sorties. On sent un nouveau souffle et c’est assez intéressant, d’autant que, contrairement aux générations précédentes, ce ne sont pas des gens qui vont directement monter un groupe mais ils contribuent quand même au genre. Je pense à des organismes comme PNA ou Ondes Noires qui sont jeunes et qui sont à fond dans le truc, et ça fait beaucoup de bien de sentir cette nouvelle vague. Par contre, il n’y a pas encore eu de nouvelle vague de groupe français en ce qui concerne le black.
Perversifier : Oui, ça on l’attend encore.
Que pouvez-vous me dire sur le festival en lui-même et sur son organisation ?
AK : Il fait chaud (rires). J’avais joué avec Vorkreist lors de la première édition, et malgré le fait qu’il s’agissait de la première édition, les bases étaient déjà là. Il y avait globalement eu très peu de galères. Et effectivement, cette année on est très bien accueillis.
Perversifier : En fait, ce qui est génial dans ce festival par rapport à d’autres en France, c’est que la superficie est énorme par rapport au nombre de festivaliers. Il y a beaucoup d’espace, et c’est assez rare finalement. Même là autour de nous [ndlr : il désigne la zone réservée aux artistes, très calme au moment de l’interview], si on était au Hellfest on n’aurait pas ce genre de chose à disposition. Moi j’aime beaucoup ce fest, il est confortable et il offre beaucoup d’espace. Concernant l’organisation, il n’y a rien à dire, on a bien été pris en main au moment de jouer. Et comme le festival est encore jeune, on sent vraiment qu’il s’agit encore d’un festival de passionnés. Donc tout est parfait, rien à dire.
AK : Le staff technique est vraiment super, tu sens que les mecs sont là pour t’aider. Je discutais avec un technicien qui me faisait justement remarquer que les artistes sont avant tout présents pour jouer et pour éviter d’avoir à gérer le reste, qui peut un peu parasiter la prestation. Surtout qu’on se doit d’être prêt et concentré, mais tout le monde est présent pour nous aider, nous accompagner, et c’est vraiment agréable.
Au cours de l’histoire du groupe, son line-up a beaucoup changé. Dans quelle mesure ces changements ont pu influencer la musique de Merrimack ?
Perversifier : Naturellement, quand tu renouvelles ton line-up à hauteur de 60%, parce que c’est ce qui s’est passé deux fois dans l’histoire de Merrimack, la musique change énormément car l’influence est considérable. Les membres restants essaient d’être les fils conducteurs et les garants d’une certaine cohérence vis à vis du passé du groupe, mais les nouveaux membres arrivent avec leurs propres influences. Moi, comme je suis le dernier membre d’origine, j’aurais plutôt un rôle visant à poser un veto ou à dire que telle chose ne correspond pas à Merrimack, justement parce que je connais tout l’historique de Merrimack depuis le début.
Votre dernier album, The Acausal Mass, est sorti il y a maintenant quatre ans. Avec le recul, y a-t-il certaines choses que vous auriez abordées différemment ?
Perversifier : On l’aurait fait plus court, je pense qu’on est unanime pour le dire. Il y a peut-être un ou deux morceaux qui sont superflus sur cet album, qui sont de plus les morceaux qu’on a composés sur la fin. Je crois qu’on les a composés deux mois avant l’entrée en studio, ils n’ont donc pas eu le temps de mûrir. Mis à part ça, on ne l’aurait sûrement pas sorti à l’aide du label avec lequel on l’a sorti, si toutefois on avait pu savoir que ça se passerait comme ça s’est passé. Pour le reste, j’aime beaucoup cet album, j’aime le son et j’aime la production. Peut-être un ou deux morceaux superflus, mais sinon je suis très fier de cet album.
Quels sont vos projets à présent ?
AK : On va enregistrer notre nouvel album. Mais à côté de ça, on prend bien le temps de tout vérifier et de ne pas se précipiter. On n’a pas de contrainte ni d’obligation, on veut surtout faire un truc qui nous semble juste et cohérent. La composition est quasiment finie, il nous reste simplement quelques arrangements à faire.
Perversifier : En plus, ça fait un moment qu’on a commencé donc ça nous a permis de faire vieillir les morceaux et de vérifier s’ils nous plaisaient toujours. On les a aussi testé sur scène puisqu’on en a joué deux hier. On aimerait l’enregistrer en novembre, et dans ce cas, si tout va bien, il sortirait au début de l’année 2017. Et ensuite, on montera sur scène pour jouer cet album, on va faire les festivals l’été prochain et peut-être une tournée. Toutes les choses habituelles jusqu’au prochain album, sur lequel on se penchera dans trois ou quatre ans. C’est notre vitesse de croisière.
Comment avez-vous vécu les récents événements du Bataclan ? Est-ce que cela vous effraie, d’une certaine manière, de risquer d’être pris pour cible uniquement à cause de l’aspect extrême de votre musique ?
AK : Non, aucune inquiétude. Je pense même que ceux qui sont susceptibles de cibler ce genre de manifestation ne savent pas faire la différence entre les différents genre de metal. Donc je ne pense pas du tout que le fait que l’on joue du black metal nous expose particulièrement. Je me mets à la place d’un terroriste, je n’irais pas me faire exploser lors d’un concert underground un peu initimiste. Si le but c’est de faire du chiffre, aller au Bataclan ça a du sens, mais pas ici et pas pour ce style de musique.
Perversifier : Je ne suis pas inquiet non plus. Je pense également que les terroristes sont suffisamment intelligents pour ne pas frapper deux fois au même endroit, ils veulent avant tout frapper là où tu t’y attends le moins. On constate que le mode opératoire change à chaque fois, ils ne font pas deux fois la même chose. Le gouvernement sécurise toujours dans la foulée, donc ils ont le besoin permanent d’aller frapper ailleurs, là où on n’est pas. C’est sans doute plus risqué de prendre le métro tous les jours que d’aller à un concert de black metal.
Merci à Hugo pour la photographie.