- France
- Dungeon Synth
- Indépendant
- 1er mars 2023
À la lecture de la petite description accompagnant cet album split, on ne peut s’empêcher d’avoir un petit rire. Il est en effet amusant de voir que Maelifell et Garvalf – deux véritables dinosaures de la scène française, ils me pardonneront l’expression – ont attendu 2023 pour unir leurs forces. Les deux amis se fréquentent depuis les années 90 et ont évidemment en commun un attachement plus ou moins viscéral au dungeon synth, bien que cette appellation ne leur soit évidemment pas aussi familière qu’à une bonne partie de la communauté. Théorisant la french rural synth, non sans faire preuve de second degré, les deux artistes ont mis au monde un album conséquent qui regorge de surprises.
Sur le plan thématique, difficile d’y voir clair. L’album split semble dénué de titre, bien que cette appellation de french rural synth ait été évoquée à plusieurs reprises, et la tracklist se limite à deux longues pistes, une pour chaque artiste, comme si la version numérique de l’album venait tout droit d’une cassette. Une démarche un tantinet nonchalante qui rappelle des temps révolus. Cependant, la pochette ne manque pas d’attirer l’attention. Un double blason évoquant la région Grand Est vient renseigner l’auditoire sur l’attachement qu’ont les deux artistes pour leurs terres. Une démarche inhabituelle dans le dungeon synth, mais qui fait écho de façon amusante à ce pseudo-concept de french rural synth.
Le split commence sur les titres concoctés par Maelifell sur une grosse vingtaine de minutes. On remarque d’emblée que le duo lorrain n’a pas laissé au placard ce qui fait l’identité de sa musique. Sonorités électroniques denses et râpeuses, petites apparitions de field recording ici et là, ton général mélancolique… Les titres s’enchaînent au rythme de paysages champêtres froids mais dotés d’un certain charme. L’ensemble est articulé autour de titres aux mélodies répétitives mais diablement justes. On pourrait souligner que ceux-ci semblent plus riches que dont on a l’habitude avec Maelifell, souvent partisan des productions plus dénudées.
Il faut dire que ça marche fort et qu’on revient très régulièrement aux titres qui donnent corps à la première moitié de la longue piste de l’artiste lorrain. Malgré cela, on ne perd pas de vue le registre très old school au sein duquel Maelifell a toujours évolué. Beaucoup de liberté dans la structure, des sonorités en arrière-plan très épaisses. Mention spéciale aux cinq ou six dernières minutes de la piste, dont les accents médiévalisants sont particulièrement réussis. Après cette entrée en matière on ne peut plus saisissante, il est temps de prendre connaissance du travail réalisé par Garvalf, dont le style récent est plus actuel que celui de son acolyte. Ce split ne déroge pas à la règle.
Dès les premières notes, Garvalf prend ses distances avec Maelifell. Le climat est moins rampant, plus lointain, exotique presque. On aurait presque envie de s’abandonner aux langueurs orientales que l’on se plaît à explorer durant les premières minutes. Ces dernières font office de rupture assez nette avec les titres de Maelifell. La tendance se confirme par la suite lorsque l’on prend le temps de parcourir des ambiances douces et feutrées qui n’ont pas grand chose à voir avec ce que l’on a pu écouter jusqu’alors. Les mélodies sont autrement plus riches et travaillées, notamment grâce à de nombreuses sonorités orchestrales qui évoquent quelque monde fantastique perdu.
Tout juste a-t-on droit, vers la vingtième minute, à un titre dont les sonorités rêches rejoignent ce que Maelifell a pu proférer lors de son temps de parole. Malgré tout, c’est sur des sonorités cristallines du plus bel effet que s’estompe la longue piste de Garvalf, qui émouvra sans mal les adeptes de dungeon synth à consonance folk et qui fait volontiers voyager loin. Les deux artistes font de la musique depuis belle lurette et ont tous deux connu les premières émanations de ce que l’on appelle aujourd’hui dungeon synth. Ceci étant, il est intéressant de constater que chacun a son propre univers et ses sonorités de prédilection. À l’arrivée, cela n’empêche pas ce split très attendu de commettre son forfait avec beaucoup de facilité.
L’album split réalisé par Maelifell et Garvalf a fait naître beaucoup de curiosité et n’a absolument pas déçu. Il est touchant de voir deux artistes de longue date continuer à abreuver leur public de musique nouvelle si longtemps après leurs toutes premières sorties. Actuellement à la recherche d’un label pour produire cet album, les deux projets français reviennent sur le devant de la scène, bien qu’ils n’aient jamais vraiment arrêté de faire de la musique. On espère de tout cœur que le split verra le jour au format physique, histoire sacraliser cette excellente initiative.