- Article initialement publié sur Heiðnir Webzine
- Pologne
- Black Metal
- Witching Hour Productions
- 7 août 2020
Maintenant que la burlesque saga Batushka semble terminée, peut-être peut-on s’attacher à considérer uniquement le contenu musical des deux projets nés de la scission qui a résulté du conflit. Nous avions eu quelques mots pour les deux albums sortis en 2019, en l’occurrence celui de Krzysztof, Панихида, suivi de celui de Bartłomiej, Hospodi, le premier ayant été bien plus réussi et efficace que le second à mon humble avis. Une grosse année plus tard, alors que Батюшка (le projet de Krzysztof donc) a plus ou moins disparu des écrans radar, Batushka a sorti un EP plutôt conséquent, Raskol. De quoi rappeler au bon souvenir des premiers méfaits du groupe ?
Non sans user d’une promotion marquée par la sortie de deux voire trois singles en amont sur BandCamp — rien que ça, rappelons que l’EP contient cinq titres —, Batushka a tenu à faire connaître la sortie de Raskol. Le titre de l’EP, раскол selon la graphie russe en cyrillique, fait directement référence au schisme intervenu au sein de l’Église orthodoxe russe au milieu du XVIIe siècle. Le lien que l’on peut faire avec l’histoire récente de l’entité Batushka est un peu facile mais pertinent malgré tout. Pour résumer les choses simplement, si vous aviez estimé, il y a de ça un an et demi, que Hospodi manquait de poids et de mordant, Raskol devrait vous permettre de vous sustenter convenablement.
L’EP s’ouvre sur « Irmos I » — ἑἱρμός en grec, du nom d’un type de tropaire dans la tradition liturgique byzantine — et sur son introduction très lente, qui n’est pas sans rappeler celle de Litourgiya. Rapidement des riffs très massifs viennent se greffer à de très beaux chœurs masculins, comme toujours inspirés de la tradition musicale orthodoxe. Alternant entre retombées solennelles et moments plus charnus, ce titre introductif ne fait ni plus ni moins que du Batushka premier du nom, à grands renforts de rythmiques soutenues et de ruptures parfois inopinées. Deux niveaux de chants sont à signaler pour un résultat plutôt riche. « Irmos II » vient confirmer le goût des artistes pour les introductions longues et méditatives, qui sont cette fois suivies d’un black metal plus grassouillet, bien qu’entrecoupé de passages en mid tempo.
De la liste des cinq titres, il ne ressort aucune originalité particulièrement notable. Malgré mon affection pour l’esthétique générale de Batushka — que l’on parle de l’un ou l’autre d’ailleurs —, Raskol n’est toujours pas marqué de ce petit je-ne-sais-quoi de réellement novateur ou transcendant. On retiendra cependant « Irmos III », dont la force des riffs parvient à dégager le titre d’un ensemble très homogène. Notez qu’il ne s’agit pas d’une mauvaise chose à mes yeux. Batushka est parvenu à colmater les brèches laissées à l’air libre par Hospodi. Là où l’album manquait clairement de coffre, l’EP qui lui succède directement offre à son auditoire des guitares bien épaisses et des chants qui transpirent le fanatisme.
Sans aller jusqu’à dire que Raskol est une sortie à laquelle s’intéresser à tout prix, le Batushka de Bartłomiej a réussi à se montrer plus captivant qu’il y a un an et demi. Derrière la pochette représentant Raspoutine se trouvent cinq titres fort agréables pour tous les adeptes du style — un peu trivial, certes — du groupe polonais. Compte tenu du jeune âge et du parcours de l’entité, il serait un peu trop audacieux de parler de retour aux sources, mais Batushka a parfaitement su utiliser ce qui a pu le propulser sur le devant de la scène il y a quelques années pour réussir cet EP. À bonifier.