- Article initialement publié sur Heiðnir Webzine
- Pologne
- Black Metal
- Metal Blade Records
- 12 juillet 2019
Après avoir écrit quelques mots sur la sortie de l’album du Батюшка de Христофор (Krzysztof), on ne pouvait pas ne pas en faire de même avec celui du Batushka de Варфоломей (Bartłomiej). Pour ceux qui n’auraient pas connaissance des détails du schisme du groupe, autant aller se renseigner ailleurs, il ne sera question ici que de musique. Et puisque l’on peut difficilement parler de l’un sans parler de l’autre, le propos sera forcé d’être orienté de manière à comparer les chemins empruntés par nos deux artistes polonais. Hospodi vient donc de voir le jour chez Metal Blade Records, label originel du groupe, et on peut dire que sa sortie n’est pas passée inaperçue.
Il faut bien garder à l’esprit que du point de vue des adeptes du groupe, le véritable Batushka est celui de Krzysztof, Батюшка donc. Vous suivez ? Tant pis. Le Batushka de Bartłomiej récolte quant à lui l’ire d’une partie de son public. Il est d’ailleurs tordant de voir des gens s’acquitter des dix dollars demandés pour l’achat de Hospodi sur BandCamp, simplement pour pondre un pavé en trois parties expliquant ce pourquoi ce Batushka est une imposture. La valeur de l’argent n’est visiblement pas la même pour tout le monde. Quoi qu’il en soit, cela n’a pas refroidi qui que ce soit, et surtout pas Metal Blade, qui a curieusement choisi le camp de Bartłomiej.
On se doit d’avouer que la pochette de ce Hospodi est quand même un peu plus engageante que celle de Панихида. Bien plus propre, elle dépeint un Christ rachitique dans les bras de la Théotokos. L’artwork donne envie et l’introduction de l’album fait elle aussi bonne impression. « Wozglas » n’est plus ni moins qu’un court enregistrement audio de ce qu’on peut traditionnellement entendre au cours de la liturgie orthodoxe russe. Encensoirs, cloches, choeurs, simandre, et surtout la voix dévouée de ce prêtre rendant grâce à Dieu. Encore une fois, le black metal (ou seulement Batushka ?) fait état de sa dépendance à la religion. Une excellente entrée en matière qui donne réellement envie de poursuivre l’écoute.
À l’image de mon cher camarade Dantefever, si l’écoute de Панихида vous a laissé de marbre (pour rester correct), vous devriez ressentir autant sinon plus d’ennui à l’écoute de Hospodi. Et quand bien même l’album de Krzysztof vous aurait satisfait en bonne et due forme, pas sûr que l’album du Batushka new look vous transporte outre mesure. L’album souffre malheureusement d’un cruel manque de consistance. À l’époque de Litourgiya, Batushka avait ceci d’intéressant que ses atmosphères étaient enveloppantes et très prenantes, et force est de constater que ce n’est pas le cas sur Hospodi, ou alors à de trop rares occasions pour relever le niveau.
La première partie de « Wieczernia » se montre un peu rentre-dedans mais seulement par intermittences, des moments intéressants donc mais entrecoupés de passages en mid-tempo franchement mollassons. Ces derniers sont justement légion sur l’album et contribuent à le rendre presque indigeste. Le mid-tempo est une manœuvre qui peut s’avérer diablement dangereuse (comprendre chiante à mourir) lorsqu’on ne sait pas l’utiliser correctement. Le duo composé de « Polonusznica » et de « Utrenia » parviennent à accélérer le rythme l’espace de dix minutes, soutenu par la suite par « Pierwyj Czas », mais le rythme retombe ensuite bien comme il faut. L’album se clôt par la suite sur un « Litourgiya » agréable mais loin d’être indispensable.
Au bout du compte, on peut presque dire que ce qu’il y a de plus intéressant sur Hospodi est toute cette dimension ritualiste calquée sur le culte orthodoxe, qui est d’ailleurs un peu plus travaillée que sur Панихида. Mais s’il s’agit réellement de l’unique chose à garder de l’album, il est à peu près mille fois plus intéressant de se procurer un disque de chants entonnés par les moines du monastère de Valaam. Comme certains le craignaient lourdement, le Batushka de Bartłomiej n’est qu’une pâle, très pâle copie du Batushka originel. Et une pâle copie du Batushka originel, ça ne vaut malheureusement pas grand chose.
Il n’y a finalement pas grand chose à dire sur Hospodi. Une belle pochette, une atmosphère recueillie réussie, quelques passages très lourds et très appréciables, mais tout ceci se montre bien trop maigre pour sauver un album à peine correct. Et comprenons-nous bien, il s’agit d’un album correct pour la moyenne, mais clairement mauvais sous la bannière d’un projet nommé Batushka. Difficile d’être catégorique sur qui de Krzysztof ou de Bartłomiej a le mieux conservé l’esprit du groupe, mais on sait en tout cas qui est le plus ennuyeux des deux.