Noir Donjon – Reclus

by Secluded Copyist

Si vous étiez passé à côté de la première sortie du projet français Noir Donjon, il n’est pas trop tard pour vous imprégner de son dungeon synth à fois sombre et riche en mélodies captivantes. Un an et un jour après la sortie de son EP éponyme, l’artiste est revenu avec un nouvelle sortie – elle aussi au format EP – qui ne semble pas bouleverser le style dans lequel il a décidé d’évoluer. C’est heureux, car Noir Donjon est l’un des rares projets français de qualité à évoluer dans une veine traditionnelle riche en sonorités électroniques diverses. Avec un tel titre, Reclus se doit de commettre un forfait mémorable. Et il y arrive plutôt bien.

Après un an d’existence, peut-être aurions-nous préféré avoir droit à quelque chose de plus consistant, mais l’essentiel n’est pas là. Le gros quart d’heure morne et étonnant que représente Reclus regorge de petites réjouissances qui ne manqueront pas de plaire aux amoureux de dungeon synth traditionnel. Alors que l’on fait régulièrement la part belle aux artistes qui évoluent dans un registre champêtre, forestier et enchanteur, comme en témoigne, entre autres, Descort, Noir Donjon fait le choix inverse. Sa musique, bien que très éloignée des standards américains sales et stridents, entretient l’atmosphère obscure que l’on imagine inhérente à n’importe quelle tour reculée à moitié en ruines, à n’importe cave voûtée renfermant de bien curieux secrets. On peut dire sans sourciller que le projet porte bien son nom.

On fermera les yeux sur le nom très cliché donné à chacun des six titres qui structurent l’EP. Au contraire, on préfère se laisser porter. Dès la montée en puissance du titre introductif, on se rappelle ce pourquoi Noir Donjon avait fait si forte impression avec sa première sortie. Peu de variété, peu de richesse sur le plan sonore, mais un son texturé avec une justesse délicieuse et des mélodies qui font naître le dépaysement sans forcer le moins du monde. « Repos solaire dans les jardins du cloître » débute sur un ton cristallin très folk, mais qu’à cela ne tienne, il ne faut guère de temps avant que des claviers râpeux ne vienne hurler leur mélancolie en arrière-plan. Ce son bien précis a le don de me donner des frissons, et pour cause, il me rappelle une composante essentielle du split entre Gargoylium et le très éphémère Temps de Chien. Des souvenirs d’une autre époque. Finalement ce à quoi aspire Reclus.

Le reste de l’EP est fait du même bois que ces deux premiers titres. Des quatre titres restants, « La crypte » est probablement celui qui entretient le mieux le sentier incertain que Noir Donjon entend nous faire emprunter. On parcourt alors une galerie souterraine humide, on entend le ricanement lointain des kobolds, la main fermement posée sur le pommeau d’une épée partiellement rouillée. Même les titres en apparence plus reposants – citons « Un passage qui menait à la clairière » – sont riches de cette dimension énigmatique qui pique la curiosité et qui invite à en découvrir toujours plus, à explorer encore plus loin. Reclus remplit son rôle à fond et propose un voyage qui ravira les puristes.

Que dire de plus ? Que Noir Donjon a produit une suite à la hauteur de son talent ? C’est évident. Que la scène dungeon synth française fait de nouveau parler d’elle ? Je le répète déjà à tue-tête dans chaque chronique. Qu’il est agréable de constater que des artistes demeurent fidèles au dungeon synth traditionnel ? En effet, c’est émouvant. Le Repère des Reclus n’a pas vécu suffisamment longtemps pour voir cette chronique être publiée dans ses lignes, mais Castellum Scriptoris est bien là, et son unique contributeur se doit bien d’avouer que Noir Donjon l’a de nouveau impressionné…

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