- Article initialement publié sur le Repère des Reclus
- France
- Dungeon Synth
- Indépendant
- 3 mai 2022
On ne le répétera jamais assez, le jeu de rôle est une source d’inspiration presque inépuisable pour les artistes de dungeon synth qui peuplent nos contrées. Non contents de s’appuyer sur quelque univers d’heroic fantasy sans doute unique et très complet, certains musiciens vont jusqu’au bout de leur démarche et structurent leurs propres créations de manière à donner l’impression d’une aventure vidéoludique parfaitement construite. Menestroll est de ceux-là. Lorsqu’il quitte les considérations champêtres de son projet principal, Saturnales, Ghssn reporte son attention sur son projet dungeon synth, bientôt vieux de deux ans – Mythes et Complaintes de Lusnengiha ayant vu le jour en septembre 2020. Et comme à son habitude, le voyage et l’enchantement sont au rendez-vous.
Lorsque le jeu de rôle est utilisé comme thématique dans le dungeon synth – on parle ici aussi bien du jeu de rôle papier que du RPG vidéoludique –, il l’est bien souvent par des projets évoluant dans une veine très chiptune. On se rappelle ainsi des deux petites mais légendaires sorties de Skeleton War et de leurs amusantes références à ce vaste univers. Ailleurs dans le dungeon synth, c’est un peu plus rare. La faute, sans doute, à une volonté farouche de ne pas briser le quatrième mur. Qu’à cela ne tienne pour Menestroll ! Le trouvère prend son spectateur par la main et entend lui montrer la richesse de son pays au travers de délicieuses références au jeu de rôle. Après tout, on ne peut se méprendre sur les intentions d’un album intitulé Quêtes Secondaires.
Pour s’attarder davantage sur la musique, Quêtes Secondaires est composé d’une petite vingtaine de titres extrêmement courts – seul un titre dépasse les trois minutes, la plupart tourne autour des deux. Est ainsi renforcée cette sensation très vite prégnante de vivre quelque aventure saccadée et rythmée par une succession effrénée de scènes bien distinctes. Loin du dungeon synth qui traîne en longueur et se répand en plages atmosphériques plus enveloppantes les unes que les autres, Menestroll n’a pas de temps à perdre. Il lui est absolument nécessaire de faire avancer une intrigue qui n’a aucun mal à capter l’attention. Le style de Menestroll est assez peu traditionnel, encore que quelques titres se démarquent par une utilisation prononcée de nappes de clavier inspirée par les jeux 8 et 16-bits.
Pour le reste, certaines mélodies sont d’une beauté absolue et ressortent assurément du vaste ensemble que constitue Quêtes Secondaires. Nous citerons le titre introductif ainsi que le très touchant « Aube pourpre aux Millesarbres », la véritable pépite de l’album. Qu’il m’est douloureux de voir sa merveilleuse mélodie s’estomper aussi vite. On apprécie beaucoup les nombreuses références à l’univers manifestement riche de Lusnengiha. Chaque nom de titre est une nouvelle indication sur tel lieu, telle quête, tel personnage, et l’on se plaît beaucoup à imaginer vivoter ce petit monde passionnant à n’en pas douter. Les artistes de dungeon synth s’appuyant sur un univers de leur création ont beau être nombreux, l’enthousiasme a parfois du mal à être provoqué. Chez Menestroll, tout semble curieux, pittoresque et formidable. Couplé à une musique aussi richement composée, l’univers a tout pour captiver son monde.
De long en long, Quêtes Secondaires est un délice absolu. Si son format très cadencé en déroutera assurément plus d’un, l’unicité de chaque titre se mue en grande richesse pour l’expérience très excitante offerte par l’écoute de l’album. Mythes et Complaintes de Lusnengiha était déjà une belle réussite, mais cette deuxième sortie propulse assurément Menestroll à la table des projets les plus créatifs, sans nécessairement parler de la qualité de la musique. Mais puisque cette dernière est également au rendez-vous, je ne sais pas trop quoi ajouter pour vous exhorter à vous jeter tête la première dans l’univers musical du projet français…