- Article initialement publié sur Heiðnir Webzine
- France
- Post Black Metal
- Prophecy Records
- 30 octobre 2016
Alcest donc. Alcest de nouveau. Et pour un nouvel album cette fois. Celui qui vient de sortir chez Prophecy. Et il risque de faire plaisir à pas mal de fans de la première heure du groupe. Comme le dit Neige, « je compose toujours un album en réaction au précèdent ». Au revoir donc l’ensoleillement éthéré et le bien être doucement aveuglant de Shelter, retour au metal. Celui qui est noir. Mais pas que.
Kodama a été inspiré à Neige par la culture et la spiritualité japonaise, qu’il a rencontrée pendant une tournée, mais aussi par le chef d’oeuvre absolu Princesse Mononoké du maître Miyazaki. Si ce n’est pas fait encore fait, regardez-le, maintenant, et recommencez la lecture ensuite. Rien que la pochette et les artworks, magnifiques, comme toujours, vous font déjà voyager dans le mysticisme et la nature nippone. La musique maintenant. Certains sont sûrement en train de se dire que, oui, Alcest et son post black shoegaze, on connaît la formule depuis l’EP Le Secret, mélangée au folk sur Souvenirs d’un Autre Monde, totalement aboutie sur Ecailles de Lune, et réutilisée avec succès sur Les Voyages de l’Âme. Et ce n’est pas sur Kodama que la formule va changer. Non, je dirais plutôt qu’elle s’est enrichie. Certes, Neige revient aux trémolos et aux vocaux arrachés qu’il avait totalement abandonnés sur Shelter. Pour autant, il ne nous ressert pas une copie d’Écailles de Lune.
Sur Kodama, la musique d’Alcest se pare d’éléments qu’elle est allée grappiller ici et là. La base reste post black, mais le son de guitare, pour commencer par là, n’a pas grand-chose à voir avec les standards du genre. Il est ici question d’un son plus chaud, très organique. Assez granuleux, mais très aérien. Paradoxal, oui, mais pour un genre comme le post black, le paradoxe n’a rien d’anormal. Ensuite, Neige nous offre quelques incursions de gammes japonaises à la guitare, mises en valeur par une forte réverbération et une valorisation des médiums pour un effet brillant très évocateur. Mais ce n’est pas tout, il y a un peu de pop là-dedans. Oui, des influences pop. La mélodie principale de « Kodama » et l’ambiance prenante et doucereuse sur « Eclosion » en sont de bons exemples.
Mais, rassurez-vous, Kodama reste assez black, surtout dans ses meilleurs moments, à savoir sur « Je Suis d’Ailleurs » et, surtout, sur la meilleure piste de l’album, « Oiseaux de Proie ». La première nous ramène au coeur de l’Alcest paradisiaque de Voyages de l’Âme quand la deuxième est sans doute une des toutes meilleures chansons de Neige. Cette mélodie touchante et ces vocaux blacks si bien amenés. Rien à redire sur cette piste, il s’agit d’un chef d’œuvre.
Enfin, il faut conclure avec les deux éléments les plus surprenants de ce Kodama. « Untouched » d’abord, a l’air de sortir d’une version shelterisée d’une chanson type « Solar Song » sur Écailles de Lune. Complétement béate et touchante. Et « Onyx ». Cette piste est simplement incroyable. Une grosse guitare, lourde et râpeuse, proche du son d’un « Gas in Veins » sur l’album éponyme d’Amesoeurs (la composition de Neige dont il est le plus fier), des vocaux très lointains. On perçoit quelques notes très lumineuses derrière cette production très étouffée. Un véritable rêve, que je pourrais écouter des heures durant. Une vraie belle réussite.
Alcest nous livre ici encore un très bel album, très abouti. La seule piste plus faible que les autres est « Eclosion », et il ne s’agit là que d’une légère baisse de qualité dans un album excellent dans son ensemble. Kodama est un album profondément touchant, émotionnel, accompli et simplement beau. Pas aussi crépusculaire qu’Ecailles de Lune, mais résolument plus sombre que les dernières productions du groupe. Alcest retourne vers l’obscurité, qui lui réussit mieux que n’importe quoi d’autre. Une obscurité, non pas étouffante ou terrifiante, comme on en voit partout dans le black, mais une obscurité confortable, douce et accueillante, dans laquelle on se love pour mieux contempler la lumière.