Батюшка – Панихида

by Secluded Copyist

C’est donc chose faite. Après des mois de flou concernant le futur de l’entité polonaise Batushka (et les tractations sont d’ailleurs toujours en cours), voici que le projet nous sert une nouvelle liturgie hérétique. Vous remarquerez que le terme projet a été utilisé, et non celui de groupe, car n’importe quel adepte de metal a eu l’occasion ces dernières semaines de se noyer dans les débats portant sur le futur du groupe, dont la propriété est contestée par Krysztof (Христофор) et Bartłomiej (Варфоломей). Si ce dernier a sorti il y a peu un titre qui figurera sur Hospodi, son prochain album, Krzysztof a pris les devant en dévoilant en début de semaine Панихида.

Chez Heiđnir Webzine, on a pris parti, et Батюшка (le projet de Krzysztof donc) remporte la mise. Ou du moins, j’ai personnellement pris parti, parce qu’il me semble que mes camarades de jeu sont bien moins attirés par la musique du groupe que je ne le suis. Sans rentrer inutilement dans un débat dont les subtilités me sont inconnues, Krzysztof a vraisemblablement eu plus de poids dans la composition de Litourgiya que son acolyte. Bartłomiej récolte quant à lui la foudre d’une bonne partie des adeptes du Batushka de la première heure. J’ai indiqué ne pas vouloir rentrer dans le débat, arrêtons donc d’en parler dès maintenant, et parlons musique.

Панихида (Panihida, du nom d’un rite funéraire orthodoxe) se présente comme un album long d’un peu moins de trois quarts d’heure, caché derrière une très belle pochette montrant une icône de la Theotokos, pleurant visiblement des larmes de sang. Malgré son utilisation à outrance de l’imagerie chrétienne orthodoxe, n’oublions pas que Батюшка utilise justement ces codes pour servir ses thématiques hérétiques. Au programme, pas de changement, on nous sert toujours un black metal assez moderne teinté de chants religieux et passablement cérémoniel, l’aspect ritualiste de la musique du projet étant assuré par les seuls chœurs et les quelques samples de cloches et de grelots d’encensoirs.

Sobrement intitulés « Песнь » (chant, en russe), les huit titres assez homogènes de l’album proposent leur lot de riffs pesants et étonnamment assez agressifs. Панихида semble en ce sens un cran plus rentre-dedans que Litourgiya, et cette perspective n’est pas pour déplaire. Ceci étant, le climat général de l’album ne perd pas sa dimension hiératique et jouit ainsi d’un équilibre très satisfaisant entre spiritualité et colère provocatrice. Le symbole de cette dualité est assez visible sur le titre « Песнь 2 », celui-ci proposant des riffs très prenants. Les auditeurs de confession orthodoxe l’auront probablement aussi remarqué, ce même titre se permet même de reprendre à la guitare l’air de Христос Воскресе (Hristos Voskrese), un splendide chant orthodoxe russe que l’on entonne communément au moment des célébrations de Pâques, lorsque le Christ est ressuscité. Que serait le black metal sans la religion pour principale inspiration ?

Sans faire montre d’une originalité dépassant tout entendement par rapport à son prédécesseur, ce nouvel album a au moins le mérite de proposer un contenu plus consistant, plus oppressant à certains égards. Alors attention, Батюшка n’est pas devenu original pour autant. Ses détracteurs lui ont souvent reproché la trop grande accessibilité de sa musique ainsi que sa propension à user de nombreux artifices pour une musique finalement pas si fouillée que ça. Difficile d’aller à l’encontre de ces affirmations. Toujours est-il que Krzysztof a réussi à rendre Панихида menaçant, presque monolithique par moments. La chose n’est pas audible sur tous les titres, certes, mais elle est malgré tout bien présente.

Les sonorités se montrent globalement un peu plus lourdes que ce à quoi le groupe nous avait habitués, notamment sur les titres numéro deux, cinq et huit, ce dernier clôturant les hostilités en faisant bon usage de toutes les petites choses qui rendent la musique de Батюшка plus efficace. Ayons enfin quelques mots pour les chants éraillés présents sur l’album, parfois un poil relayés au second plan, qui subliment comme il se doit la force évocatrice présente tout au long de Панихида. Mais finalement, après un certain nombre d’écoute, que peut-on réellement dire de cet album ?

Dans un sens, personne ne devait s’attendre à du changement sur le plan stylistique, et Krzysztof n’avait de toute façon aucun intérêt à changer quoi que ce soit, bien que Batushka ait été l’un des groupes qui divisa le plus la communauté black metal ces dernières années. On reconnaît évidemment la patte de Batushka chez Батюшка, à voir si cela satisfait ou non. Les avis sur ce nouvel album seront au moins aussi partagés que pour ceux portant sur Litourgiya. Mais à l’arrivée, on peut quand même avancer que Панихида est un album très plaisant et doté de passages réellement dévastateurs.

Des riffs et du peps. Ce n’est peut-être pas ce à quoi aspire Батюшка en premier lieu, mais c’est en tout cas ce que l’on garde en tête maintenant que Панихида a retenti un paquet de fois. Si l’aspect ritualiste du projet est toujours présent, il capte beaucoup moins l’attention que sur Litourgiya. Difficile de dire s’il s’agit d’une mauvaise chose en soi. Dans tous les cas, le projet de Krzysztof semble être le gardien de l’esprit du groupe originel, et chaque adepte de la première heure saura se retrouver en Панихида. Pour les autres en revanche, ceux qui n’ont jamais été touchés outre mesure par le groupe, pas sûr qu’il y ait de quoi becqueter sur ce nouvel album.

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