- Article initialement publié sur Heiðnir Webzine par Dantefever
- Finlande
- Black Metal
- Naturmacht Productions
- 29 avril 2017
Vous avez peut-être remarqué, mais chez Heiðnir, nous aimons bien Havukruunu. Les Finlandais ont définitivement réussi à toucher la corde sensible, avec leur pagan black metal franc, sincère, dépouillé et très inspiré. Nous vous avions chanté leurs louanges à l’occasion de leur EP Rautaa Ja Tulta, et il est temps maintenant de vous parler de leur album dernier-né, produit par Naturmacht Productions.
D’emblée, vous vous retrouvez dans l’univers d’Havukruunu. Kelle Surut Soi se place dans la continuité des précédentes œuvres du groupe, en apportant tout de même quelques petites évolutions. La première piste, « Jo Näkyvi Pohjan Portit », s’ouvre sur une guitare acoustique tout ce qu’il y a de plus folklorique, suivie d’un premier assaut de guitares électriques. La musique d’Havukruunu est toujours aussi ambiancée et prenante, avec des riffs épiques à souhait et une atmosphère très enthousiaste. Comprenez que nous ne sommes pas dans du pagan black qui se répand en regrets sur un passé oublié, mais bien sur une volonté de faire vivre ce dernier. Ce n’est pas Primordial qui pleure et se lamente sur les souffrances de l’Irlande, mais bien Havukruunu qui hisse, haute et altière, la fière bannière de l’Ancien Temps.
La seconde piste « Vainovalkeat », confirme cet esprit, avec cette mélodie très bien trouvée, classique mais superbement efficace et conquérante. Le torse est bombé, les yeux sont défiants. Les blasts pleuvent, les hurlements écorchés et rageurs se font entendre avec force. On note toujours cette production très authentique et naturelle, avec cette batterie qui semble un rien en retrait et ces guitares jubilatoires qui crachent un son de sortie d’amplificateur jouissif. C’est simple, la formule Havukruunu est imparable. Tous les éléments distinctifs du groupe sont présents ; l’aspect épique, l’énergie, les influences heavy… L’album se fait tout de même plus black metal que ses prédécesseurs. Les passages heavy sont plus rares et s’effacent au profit d’une musique qui se fait logiquement un tantinet moins efficace. Comprenez que vous aurez moins envie de secouer la tignasse que de brandir le poing.
Dans l’ensemble, la musique d’Havukruunu semble s’essayer à quelques touches plus atmosphériques, comme sur « Vainajain Valot » où une réverbération et un clavier discret apparaissent. Rassurez-vous, les vaillants finlandais ne sont pas devenus Drudkh pour autant. En fait, on pourrait parler d’un dosage à la Dissection dans le sens où des passages très épiques et entraînants peuvent cohabiter avec des instants plus mélancoliques et atmosphériques, comme par exemple sur la dernière piste citée. Attention toutefois, Havukruunu reste loin des ambiances de Dissection, il ne s’agit que de faire un parallèle dans la façon de déployer ses morceaux, de les agencer, et pas du tout d’une réciprocité de ressenti ou de personnalité profonde de la musique.
Si comme moi vous appréciez de plus en plus les albums au format raisonnable, vous tiquerez peut-être sur la longueur du disque. Cinquante minutes, ça reste un album long. Mais pour autant, Havukruunu ne lasse pas, grâce à une bonne alternance entre les morceaux. « Vaeltaja » vient par exemple vous rappeler les bons souvenirs des productions précédentes, avec un mid-tempo galvanisant qui renoue avec le heavy. Les mélodies en power-chords guerrières se suivent, et nous avons droit à un très sympathique solo en fin de course qui dynamise l’ensemble. Un judicieux placement, et une piste qui se taille une belle personnalité. Dans la même envie de différencier les pistes entre elles, la suivante « Myrskynkutsuja » se repose sur des riffs presque enjoués, voir dansants. Les chœurs viennent ajouter un air d’épopée guerrière épique à l’ensemble, et on aurait peut-être même un semblant d’atmosphère à la Finntroll par moments…
Comme l’annonçait son artwork plus sombre que précédemment, Havukruunu prend un virage plus black metal. On ne dit pas adieu à la production raw et l’énergie heavy metal jouissive des œuvres précédentes, mais on va quand même vers quelque chose de plus superbe, de plus grandiose et donc de moins immédiatement efficace. Malgré la légère déception de ne pas retrouver les finlandais exactement comme ils nous avaient laissés, on est finalement vite de nouveau heureux de replonger dans leur monde quelque peu plus sombre et plus vaste qu’autrefois, avec plus de détails et de subtilités qu’auparavant. La production s’est affinée, les riffs se sont anoblis, les ambiances se sont diversifiées. Au rayon des pièces maîtresses, on distinguera la seconde piste déjà évoquée et surtout l’avant-dernière, « Verikuu », qui se permet d’offrir des riffs encore meilleurs que ceux écoutés tout au long de l’album. Les mélodies sont simples, mais vraiment prenantes. Havukruunu a le don de rendre des riffs marquants et puissants là où ils sembleraient peut-être trop classiques ou banals chez d’autres formations. Ils y insufflent une énergie, une crédibilité que seule l’authenticité et la passion peuvent créer. Un vrai acte magique, accompli grâce à quelques amplis saturés, une batterie naturelle et des guitares habitées.
Les comptes sont bons, Havukruunu est vainqueur ! On pourra juste déplorer une piste finale qui reste au même rang d’excellence que ses compagnes, là où on espérait peut-être une conclusion encore meilleur que l’album, mais ce n’est là qu’une fausse déception. Kelle Surut Soi sera au panthéon des meilleures sorties de 2017. Encore un pallier franchi pour un groupe qui a fait de l’excellence son blason.